Vibrations maritimes, telluriques et ancestrales du Surréalisme
Lier la Bretagne à Breton, voici qui ravirait Lacan. Mais le livre de Geneste et Sanda va beaucoup plus loin. D’abord, il rappelle que le Surréalisme n’est pas une école mais un mouvement hybride dont son Pape ne recouvre pas totalement le projet. L’engagement du surréalisme est plurivoque. Avaient déjà été mises en exergue l’importance et l’indépendance du Surréalisme belge et tous ses usages irréguliers de la langue et des images. Mais Geneste et Sanda clarifient une autre voie. Celle qui fait la jointure entre le surréalisme et une « nostalgie visionnaire » qui trouve ses prémices non seulement chez Nerval, Pétris Borel, Rimbaud, Lautréamont mais qui remonte bien plus loin dans le temps.
La Bretagne fut très tôt le lieu où un état d’âme ancestral sortit l’esprit de la prison du réel et son étouffement. Le Surréalisme a trouvé dans le celtisme son propre ésotérisme. Dans le « chaudron » de la Bretagne, en sa matrice première tout un rituel aquatique archaïque avait surgi. La puissance magique de la réintégration fomenta des « vases communicants » chers à Breton. Ils furent propres à la création d’un monde qui dépasse les cadres de la rationalité. L’auteur des Manifestes découvrit — par exemple — dans l’œuvre de Charles Filiuger une voie puisque la créateur d’origine alsacienne trouva à Pont Aven un moyen de faire retourner l’œil à l’état sauvage.
En Bretagne, et comme l’écrivent les auteurs : « entre les rideaux de pluie », les paysages sombres et atlantiques permirent donc aux Surréalistes d’atteindre l’arrière-pays de l’inconscient élémentaire à travers une vieille langue du passé comme en des royaumes disparus, telluriques ou aqueux. Les légendaires enchanteurs de la Bretagne firent donc des Surréalistes de nouveaux druides en une terre où la sphère terrestre est baignée des profondeurs insondables de la mer : paradoxalement, la liberté s’y fit plus libre.
L’esprit du lieu et ses créateurs permirent de retrouver l’esprit à l’état sauvage comme le prouvèrent Benjamin Pérert, Angèle Vannier et d’autres Bretons à la fois plus lointains mais proches : d’Yves Tanguy à Jehan van Langhenhoven, « le boxeur onirique », voire à Kerouac qu’intelligemment les deux auteurs relient à sa terre d’origine.
jean-paul gavard-perret
Bruno Geneste & Paul Sanda, Les Surréalistes et la Bretagne, Editinter, 2015, 168 p. — 20,00 €.
Merci pour ce bel article.
Il y a cependant une erreur dans mon nom, Geneste au lieu de Genette
Très cordialement
bonjour,
merci pour votre retour et cette correction : nous modifions de suite bien sûr en nus excusant d’avoir de la sorte écorché votre nom.
cordialement,
la redacion du Litteraire.com
Surtout merci à vous pour votre bel article
très cordialement
Bruno Geneste
Splendide article, Jean-Paul.
Merci