Richard Montanari, 300 mots

Quand vient l’heure de la vengeance…

Richard Mon­ta­nari donne vingt ans à son per­son­nage pour peau­fi­ner une ven­geance, pour ten­ter de mener à terme son pro­jet san­glant. Une intrigue en ten­sion permanente.

Un homme, caché dans un pla­card, attend le moment de frap­per. Il a tout com­biné. Cela fait tant d’années qu’il pré­pare sa ven­geance en sou­ve­nir de Julia. Sa vic­time, un prêtre, for­nique avec la pros­ti­tuée que l’homme a payée fort cher pour cela. Il passe à l’acte, injecte à l’homme une bonne dose d’héroïne et pousse la femme dans le vide, par la fenêtre. Nick Stella est un jour­na­liste free-lance qui a bien du mal à gagner le loyer de son deux-pièces meu­blé et le car­bu­rant de sa Che­vro­let de qua­torze ans. Il est le cou­sin d’un prêtre de la même paroisse que celui qui est décédé d’une over­dose dans le stu­dio d’une pros­ti­tuée. Il voit, dans cette affaire, l’occasion d’un article impor­tant méri­tant la Une. Amé­lia, à trente-quatre ans, est une femme au foyer qui s’occupe de sa fille et répare les dégâts cau­sés par leur jeune chien. Elle s’est ins­crite à un cours d’écriture et équipe son ordi­na­teur en logi­ciels dans le but d’écrire un livre.
Le tueur est là, dans l’ombre, sur­veillant, s’imprégnant de la vie de ses futures vic­times. Il veut ven­ger la mort de Julia sur­ve­nue, il y a vingt ans, lors d’une soi­rée d’Halloween qui a mal tourné. Ils étaient cinq, cinq que le tueur traque pour leur enle­ver ce qu’ils ont de plus cher, qui vont perdre la vie. Nick, après avoir eu connais­sance d’un second meurtre, simi­laire à celui du prêtre, se lance dans une enquête où il va croi­ser les prin­ci­paux acteurs du drame et… la route du tueur.

La ven­geance, si l’on en croit l’adage popu­laire est un plat qui se mange froid. Dans ce roman, l’auteur donne vingt ans pour qu’elle se réa­lise, se concré­tise. Il prend ce délai pour que les proies, ceux dont l’inconnu veut se ven­ger, aient beau­coup à perdre. L’auteur met en scène deux cou­pables à vingt ans d’écart. L’un qui a trans­formé une soi­rée ini­tia­le­ment fes­tive en drame, l’autre qui pour­suit de sa haine le groupe pré­sent ce soir-là, le soir où il a perdu tout futur avec la mort de la jeune femme qu’il aimait. L’intrigue asso­cie la pro­gres­sion du tueur ano­nyme dans son par­cours san­glant et celle du jour­na­liste qui tente de com­prendre les moti­va­tions du tueur et les rai­sons de sa haine.
Richard Mon­ta­nari croise et entre­mêle de nom­breuses pistes, déve­loppe des sous-intrigues qui per­mettent d’éclairer, par exemple, ce que repré­sente la fête d’Halloween dans cer­taines com­mu­nau­tés, les liens avec une reli­gion omni­pré­sente, la vie quo­ti­dienne de l’Amérique pro­fonde. Outre les péri­pé­ties cri­mi­nelles, il expose des his­toires sen­ti­men­tales, des liai­sons avec les lots de souf­france qu’elles engendrent.
Certes, on pour­rait repro­cher à l’auteur d’utiliser nombre d’éléments conve­nus, de pro­fils psy­cho­lo­giques déjà uti­li­sés à de nom­breuses reprises comme le jour­na­liste fau­ché, à la recherche du scoop, qui se retrouve entraîné dans une his­toire ter­rible. Mais peut-on éla­bo­rer l’intrigue d’un thril­ler avec des indi­vi­dus à qui tout sou­rit, des per­son­nages dont la vie se déroule presque sans accrocs ?

Le titre retenu pour la ver­sion fran­çaise ne reflète pas vrai­ment l’esprit de l’intrigue fai­sant réfé­rence à un point mineur. Mais le titre ini­tial (The Vio­let Hour), extrait d’un écrit de T.S.Eliot, relève de la même incer­ti­tude, même si un qua­train du poète par­ti­cipe à l’intrigue. Richard Mon­ta­nari signe, avec 300 mots, un thril­ler solide, qui inclut tous les élé­ments que l’on attend d’un tel roman. Il nous offre, de plus, un final sai­sis­sant avec une débauche de coups de théâtre et de retour­ne­ments de situations.

serge per­raud

Richard Mon­ta­nari, 300 mots, Le Cherche Midi, tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Marion Tis­sot, coll. “Thril­lers”, août 2014, 398 p. – 19,00 €.

Leave a Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>