Michel Sottet, Les paquets de Tisseyre

Abords et abris

Sans faire de bruit, Danièle Tis­seyre pour­suit une œuvre que Michel Sot­tet fut un des pre­miers à recon­naître. Son texte ren­voie à l’affolement dont l’œuvre émerge mais qu’elle liga­ture en paquets de vie plus que de mort dans un tra­vail où tout est anti­no­mique. L’effet de sur­face fait le jeu de la pro­fon­deur. Ce qui est mon­tré demeure caché. La fièvre qui couve éloigne de la mala­die. Du moins celle de l’idéalité.
Chaque paquet pose une énigme que Michel Sot­tet sou­ligne. La gros­seur est-elle maligne ? Ne serait-elle pas char­gée de miasmes géné­ra­teurs de gaz sul­fu­reux ? Qu’on se ras­sure : Danièle Tis­seyre n’est peut-être pas une sainte mais son œuvre est, sinon pro­phy­lac­tique, du moins saine. Les liens qu’elle tend ne sont là que pour cir­cons­crire toutes traces de débauche et pusil­la­ni­mité. Sous cou­vert d’une cer­taine “farce” fice­lée, l’œuvre est beau­coup moins potache que paroxys­mique. Elle fait appa­raître les han­tises de l’être “post-moderne”. Une telle vision reste sans doute encore impos­sible pour les cœurs et les regards affai­blis par la cour­toi­sie des amours plas­tiques pla­to­niques. Danièle Tis­seyre ose donc — en la sous-entendant — la “bête” que cer­taines de ses œuvres en hom­mage à Lacan “tis­sèrent”. Mais il s’agit uni­que­ment de ter­ras­ser l’ange afin que l’être puisse oser deve­nir qui il est en sa dignité ter­restre faite de joies et de douleurs.

Chaque paquet est une réserve où l’artiste opère la coa­gu­la­tion de nos fan­tômes plus que ne le per­met­traient nos fan­tasmes. Il convient d’entrer donc dans l’épaisseur de ce mys­tère et s’y débattre avec la même ambi­guïté que celle qui nous habite. Chaque être qui refuse de le recon­naître demeure seul et pré­pare sa faim : et nul ne pourra dire si ce que l’artiste empa­quette vien­drait l’assouvir.
Michel Sot­tet prend bien garde de ne rien dévoi­ler de l’aporie et de la ger­mi­na­tion des conte­nants. Il rap­pelle tou­te­fois qu’une telle œuvre arrache à l’erreur mys­tique. Mais il ne faut comp­ter que sur cet innom­mable que l’artiste (“traî­tresse” ?) cache sous une mons­tra­tion dif­fé­rée. Chaque œuvre s’infiltre en obses­sion. L’imagination morte y est réac­ti­vée : à elle de déri­ver dans un mixage d’ombre et de lumière, dans l’azote du lieu mais aussi son oxygène.

jean-paul gavard-perret

Michel Sot­tet, Les paquets de Tis­seyre, Jean-Pierre Huguet édi­teur, Saint Julien Molin Molette, 2014, 200,00 € .

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