L’infime, l’à peine perçu prend chez Erwann Rougé une dimension particulière. Tout s’articule dans le supposé : ici, il résiste et devient réel. Chaque poème se fait une toupie ou un dispositif où l’auteur lance son regard pour le faire pivoter comme on démarre un petit moteur de l’émotion mais aussi de l’extra-lucidité qui marche au ralenti grâce à un subtil système de contrepoids — même si rien ne s’arrête avec l’horizon dans une position quelconque.
Erwann Rougé amplifie sa dialectique entre le contrôle et l’aléatoire contre l’obsolescence. Si bien que l’homme n’a pas honte de devenir qui il est et de trouver à travers son existence des moindres détails dans un tel processus de re-procréation et de renaissance. Entre autres par des tonalités bleues et vertes très particulières avec une « saveur offerte à la fraîcheur» dans une certaine odeur d’été mais en d’autres temps.
Le poème, seulement, crée un monde irréel que l’on traverse comme des fantômes le réel. Il prend forme, devient matière vive sans que le poème se crée tel un produit difficile de calculs et de hasard. Si dans chaque baie la lueur a besoin d’être lavée, celle-ci devient le centre et le noyau du poème.
jean-paul gavard-perret
Erwann Rougé, Le lieu de la lueur, Editions Les Lieux-dits, coll. Du Loup Bleu, Strasbourg, 2024, 32 p. — 7,00 €.