Cap au pire ou au meilleur
« Ténacité de nos vagues pour toujours nos stratagèmes nous les ignorerons comme le presse-agrume ne sait pas qu’il broie » (C.A.)
Cauda entre ici en un tel dialogue avec Coralie Akiyama. Elle broie les corps débarrassés chez elle de ponctuation. Son alter-ego par d’autres ruses. Mais pour les deux créateurs naissent une genèse mais aussi un éclaircissement d’un malentendu premier.
Coralie Akiyama qui revient de son idée générique : « je ne suis plus une femme je suis un animal même pas mythologique une fourmi ou un petit quelque chose ». Mais en un grand ouf ! beauté et féminité sont caressées afin de piler son cafard. Lucide, — et Cauda d’en profiter -, elle essaie de ne pas trop le montrer car ses « nœuds » et son sentiment sont de se sentir orpheline. Mais à son abîme incomplet, un sourire peut diluer du passé « ses grumeaux » de sordidités.
Certes, l’homme, le mâle, le conquérant peut la sauver. Mais hélas il n’est pas du même oscillographe qu’elle. Et une fois de plus, Cauda de s’en repaître et de l’illustrer. L’héroïne fut piétinée et sans reprendre jamais vraiment forme tant « on a toujours l’empreinte de la semelle dans le corps ». Elle cherche néanmoins des alibis, quitte à croire au conte du langage qu’elle invente pour parfois dormir debout.
Mais les complications corporelles forgent des rancunes entre l’ouvert et le fermé. Restent néanmoins des invocations à l’amour de l’autre à l’aide de « morceaux sans les maladresses abats des jours » dont l’homme de viande fait une alimentation de pauvre pour l’appétit de l’aimante et de ses rêves.
Existe tout un mouvement entre le trivial et le divin dans la cuisine de Coralie Akiyama. Elle fait la part belle mais provisoire à l’unisson des hésitations et des ambiguïtés des silences. Cauda en étire les tissus en abstraction de couleur. Quoique aidée d’une proche, d’une intime, l’écrivaine en beauté espère un homme moins vrai qu’ inachevé : « il lui manque un oeil tout le reste est capturé lui ne le sait pas il s’est fait sublimer contre son gré j’accroche le torse nu sur ma tapisserie ». Si bien que son “roman” d’amour en bribes n’a rien d’un roman de gare même dans l’espoir d’une durabilité, une responsabilité et un engagement. Mais l’amour reste un compost. Il n’est pas apogée mais livreur de « four » comme on dit.
L’étreinte frissonnante, transpirée demeure désincarnée. Les poumons se rétractent et le cœur n’y est pour rien face à celui qui « fait faux d’être respectable ». Mais l’auteure se veut sa propre sauveuse en trouvant une sorte de pompier propre à un film d’amour. Bref, voici la ravaudeuse et la joaillère. Qu’un cœur clignote, tout est sinon confortable du moins possible même si la raison dit à la créatrice « qu’à voguer tiède le sens de l’eau ne fera plus conflit d’un train mauvais douce nuit d’une critique qui me fit naître à des vents amarrés de grands rêves homériques à des voiles pliées ivre ».
Après tout, après la crue, l’accalmie prouve la crédibilité « comme l’eau qui abreuve ou gâche mes brouillons blanchis ». Néanmoins existent alors un excès, un révisionnisme ou une ténacité pour échapper à la dictature du passé et son négationnisme. Histoire de tenter ce qui réunit en un mouvement, un accord, un libre échange, une ardeur selon une entente ou plus nettement ce qui en tient lieu.
Mais l’auteure nous offre une transparence et Cauda une perfide carence. Les deux pour prendre encore des corps, des accords, leurs ruptures et aussi leurs réformes.
jean-paul gavard-perret
Coralie Akiyama & Jacques Cauda, Femme si j’étais, Editions Pourquoi viens-tu si tard ?, 2024 — 13,00 €.
Comme pour le château d’Yquem Montaigne pourrait saluer , chapeau bas , l’amitié entre JPGP et le killer transfiguré !