Psaume de l’espoir à distance des songes
Par une certaine précision de son écriture, un don d’exactitude, un caractère aigu de l’expression, Maria Joào Cantinho permet par divers abordages et thèmes de traverser de «l’ombre » au « bleu atlantique ». Là où peuvent se lire aussi les territoires de la poétesse même si peu à peu ses terrains d’investigations et de méditations deviennent forains.
Il existe ici des contours nets et aussi la ligne très précise du dessein existentiel, même s’il chemine en certains zigzags. Puisant son chant en diverses influences perceptible — parfois de Hugo (et son lyrisme) et Pessoa (par sa condition même) — , le langage naturel d’une telle créatrice n’a rien d’artificiel.
Chaque poème élaboré construit dans l’esprit de la cohérence qui passe par le cerveau est imbibé d’émotions dans un exercice entre abandon et contrôle. D’où la subtilité d’un tel ouvrage. “Les éclisses de mots forment le corps du poème” dont chacun semble toujours « premier, inaugural » mais là où le présent lui aussi se dresse : c’est l’existence.,
Le langage prend une réalité supra-individuelle. Jamais chez une telle auteure de nonchalance. La densité et la gravité sont là même si se dessine un envol de liberté. Moins épais qu’étendu, et dans certains jeux de reprise, un véritable classicisme n’est que la corde la plus tendue du baroque.
Variations, développements, diversifications, ramifications disent la complexité de la vie et du monde là où la poétesse donne parfois des occasions de jubiler. D’autant qu’écriture verbale et écriture musicale possèdent un même langue et une structure fondée sur des suites d’harmonies.
En élargissant son champ, Maria Joào Vantinho, hors des sphères rétrécies, fait retrouver son horizon humain. Le nôtre aussi. Ici, la poésie ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour elle ; elle se sauve aussitôt car il ne s’agit jamais d’un produit de consommation, mais d’un outil destiné à agir par les effets qu’une telle écriture détermine.
jean-paul gavard-perret
Maria Joào Cantinho, Avant cela il y avait l’ombre, traduit du portugais par Cecilia Basillo et révisée par Patrick Quillier, Jacques André éditeur, coll. Poésie XXI, Marmande, 2024, 134 p.- 15,00 €.