Ce livre est un fabuleux mystère et une gageure. L’objectif tient d’abord au fait que l’eau apparaisse chaque fois dans un article du code civil. Histoire – si l’on peut dire – de souligner des problèmes personnels, cadastraux, juridiques étatiques. Bref, le sujet est l’objet de complications et litiges.
Mais le sourire de Sourice trouve une autre source : la forme même de son livre. Haro certes sur le code civil et son aspect juridique ! Mais c’est un beau prétexte à bien des dérives afin de donner aux mots et aux choses autre chose que des allusions législatives et historiques à une miscellanée surprenante, Articles par articles (mais le mot est réduit),qui infuse bien des dérives : des alluvions à l’élégie, des poissons de toutes sortes aux défuntes personnes dont la vie innerve encore des objets, mais aussi de l’autofiction au poème.
La fluidité du choix stratégique du livre et son style crée divers troubles et pensées (exigeantes) qui cherchent l’harmonie des contraires. Harmonie entre raison et sentiment, idée et croyance, nécessité intérieure et déterminismes externes. Si bien que la réflexion de l’auteur tente l’impossible : parvenir au cœur et à l’origine de ce qui pense et ce qui fut au besoin de déduction, là même où une forme de philosophe emprunte la voix limpide de l’auteur.
Presque inconsciemment, Grégoire Sourice invente une forme poétique. Elle incarne mieux que la pure abstraction. Sa parole qui définit et la parole qui pénètre dans l’inexprimable sont donc liées. L’auteur ne se résigne pas à l’étroitesse de la pensée ou de la langue. Il se contente, voire plus, de vivre à l’intérieure de leur limite.
jean-paul gavard-perret
Grégoire Sourice, Le cours de l’eau, Editions José Corti, collection penser-situer, avril 2024, 128 p. — 17,00 €.