“Le baiser à retardement de l’éternité”
La véritable mutation du langage n’a rien de scientifique. Elle appelle le recueillement afin de sortir de soi pour marquer par le sceau de la chair une création habitée de la gloire d’un dieu dont l’approche crée une sorte de plaisir intense et presque érotique qui ferait de lui non seulement un maître mais un dieu vivant.
Dans cet élément du triptyque des Cercles intérieurs, Biscarrat ne fait du langage ni un simple instrument ni une pure transparence. Cela est bien plus large que la création d’un nouveau genre littéraire.
Le langage est placé dans une perspective ascensionnelle pour se rejoindre dans le rapport au monde en un processus sacré.
Sous forme d’ode, une vérité travaille et ce, loin des théorie de l’intertexte. Biscarrat émancipe le statut de l’écrit pour nous rapprocher de la société des hommes célestes où ils deviennent des dieux qui se tiennent en retrait mais n’ignorent pas les complexions physiques.
D’où ici la connotation des sens, des vibrations physiques et sémantiques dont la signifiance, contrairement à la signification, ne saurait donc se réduire à la communication, à la représentation, à l’expression.
Elle place le sujet (de l’écrivain au lecteur) dans le texte, non comme une projection, fût-elle fantasmatique (il n’y a pas « transport » d’un sujet constitué), mais comme une perte (au sens que ce mot peut avoir en spéléologie) : d’où son identification à la jouissance.
C’est donc bien via le concept de signifiance que le texte devient sacralement “érotique”.
jean-paul gavard-perret
Thibault Biscarrat, Cercles Intérieurs, Conspiration Editions, janvier 2023, 94 p. — 9,00 €.