L’incipit du livre, tiré du Refus d’Imre Kertész est explicite : “c’est justement ma brutalité qui recèle ma bienfaisance, qui la recèle jusqu’à ce que je la révèle brutalement au grand jour, ma brutalité où nous trouvons tous notre compte, comme vous allez le voir dans ce qui suit. Dès lors tout est permis. D’un acte à l’autre tout avance. La brebis galeuse échappe au troupeau et les portes s’ouvrent pour mes hécatombes ; je viens délivrer la Voie lactée qui s’emmerde. Samba littéraire !”.
A partir de là, le livre galope sabres au clair et entre les dents, “lames prêtes à écosser les carotides” là où Rachel Adalbald écrase tout verbe mystique dans une littérature qui sauve lorsque l’auteure patauge dans les flaques de sang et s’en va chasser “tandis que les gouailleurs / de sale vice s’en tiennent à leur faconde infinie”.
Exit toute métaphysique. La violence et la fièvre habitent cette poésie des tréfonds où les miasmes deviennent fêtes face aux “putains de jour et ces éternités sans fond“‘. L’auteure en découd avec elle-même et le monde. Tout cela bouillonne pour faire taire les célestes nuées.
“Les gongs vocifèrent” de coups de gongs dans une avalanche de horions. Existe là une belle poésie de fin de monde dans “l’incision de la déconne dans les rainures des événements”.
C’est tout de même une manière de braver le néant dans “l’espoir dément” d’un certain d’accomplissement.
jean-paul gavard-perret
Rachel Adalbald, Ras les gloses, Editions Sans Escale, Paris, 2022, 83 p.- 14,00 €.