Valère Novarina consacre le plus beau des hommages au primitif perfectionné, pratiquant de “l’épinette et écrivain au XXe siècle d’un traité sur la lecture des neumes, qu’il imaginait iodés et proches des chants de halage et qui fit l’éloge du latin monacal, de l’art roman rupestre, et de la selle Brooks du vélo avec lequel il faisait de la contrebande de kirsch”.
L’œuvre du vagabond suisse frappe par son exubérance matérielle. Sa faconde rejaillit aux côtés de photographies dans cet album.
Vigueur et énergie s’en dégagent au milieu de sa famille, de lieux clés, de la fabrication de l’œuvre et de divers réseaux. L’auteur y reprend corps et âme.
Cingria aima digresser et vaticiner sans présager ce qui avance dans sa création. Preuve que la haute montagne est propice aux inventions. Il laisse derrière lui manuscrits, photographies, œuvres d’art, papiers officiels, objets personnels, correspondance. Réunis dans cet album, ils dessinent la parcours de “l’extincteur, incendiaire”.
Il fixe ses idées sur les supports les plus divers, qu’il couvre de son écriture jusque dans les moindres recoins. Existent là divers déluges où elle élargit et libère ce qu’elle touche en cassant les idées reçues dans la fécondité du désordre.
L’auteur reste tel qu’il est : singulier et imprévisible, toujours renaissant, toujours désargenté, sans domicile fixe et dans la panoplie de ses supports d’écriture tantôt d’excellente qualité, tantôt fragiles et recyclés.
Ils donnent accès plus à des bribes de texte qu’à des compositions définitives au sein de marges, astérisques, notes, apostilles et repentirs.
jean-paul gavard-perret
Cingria, Album — L’extincteur et l’incendiaire. Océane Guillemin, préface de Valère Novarina, La Baconnière, Chêne-Bourg (Suisse), 2021, 184 p. — 27.50 € / 39 CHF.