Essayiste, critique d’art, Alexandre Castant a publié, entre autres, articles et livres sur l’auteur dont Esthétique de l’image, fictions de Mandiargues, 2001. Après sa thèse de doctorat sur le surréalisme de seconde génération, Iwona Tokarska-Castant a codirigé, avec Éric Dussert, l’édition de la correspondance entre l’auteur et Jean Paulhan (Correspondance 1947–1968, Gallimard, 2009).
Les deux co-dirigeront avec Pierre Taminiaux, au Centre Culturel International de Cerisy, le colloque “Mandiargues : Écrire entre les arts”.
Ce livre rassemblent d’abord des oeuvres et témoignages sur le rapport de Mandiargues et des images. S’y retrouvent, entre autres, Wilfredo Lam, Breton, Man Ray, Michelangelo Antonioni, Bill Viola Leonor Fini, Hans Bellmer et bien d’autres.
Mais les auteurs mettent aussi n rapport l’oeuvre du poète avec de nombreux créateurs contemporains pour faire des liens entre l’univers de l’auteur et le leur — quel que soit le genre (photographie, vidéo, cinéma, théâtre) — dont Jan Fabre, Jacques Vincey, Krzysztof Warlikowski, David Lynch, Raoul Ruiz, Apichatpong Weerasethakul.
Dès lors, surgissent de nouveaux angles sur l’oeuvre comme sur le baroque, l’art des jardins ou la sémiologie, l’érotisme ou la plasticité des images mentales.
Et des photographies dont celles de Bernard Plossu, Bona Pieyre de Mandiargues, Florence Chevallier, Kourtney Roy, Muriel Pic et Françoise Nuñez, ouvrent chaque chapitre des “Visions de Mandiargues”.
Le livre crée divers échos par-delà le temps. Preuve que de Mandiargues a toujours été fasciné par le “rayonnant” (écrivait-il) des images. Il reste un des rares auteurs de littérature d’occident à en être autant curieux. Et ce, au sens actif à la manière de Sade pour lequel il a aussi une “sympathie poussée”. L’auteur cherche en effet sans cesse comment s’articulent les ressorts de l’écriture et de l’image.
Pour lui, “le vrai curieux n’est pas celui des grandes bizarreries” de celle-ci mais celui qui, pénétrant dans leur maison, établit l’état des différentes pièces pour y faire la lumière en se servant des commutateurs littéraires d’une façon inhabituelle. Pieusement irrespectueux comme on doit l’être dans un lieu de délectation où le péché désordonne la structure de la raison raisonnante, raisonnable.
De Mandiargues ouvre ainsi les vêtements boutonnés des images. Les artistes contemporains qui lui “répondent” ici l’ont bien compris. Et si l’auteur apprécie les images, c’est de façon à ce que nulle doctrine, nul préliminaire ne gouvernent son écriture au moment où elle vise plus à un déchirement qu’à un climat spirituel.
Le poète souligna d’ailleurs ce qu’il existe de fascinant, d’opaque, d’inépuisable dans l’image.
En ce sens, comme le prouvent les deux auteurs, l’œuvre reste profondément moderne. Son hydre de mots les plus justes n’est pas pour lui une manière de théâtraliser l’image mais de l’illimiter. Sa présence revient à créer une langue nouvelle où se propage un échelonnement signifiant.
Non pour le seul plaisir du lecteur mais pour qu’il se sente pénétré par les images du poids et de la complexité de la vie.
A travers elles, l’auteur ne chercha pas une marge, mais donna une compréhension plus profonde des rapports qui “unissent” et régente deux dimensions de la représentation.
Les artistes “invités” l’ont bien compris en réinterprétant un théâtre dressé sur notre abîme et notre désir là où l’image donne à l’écriture les moyens de rendre simultanément le charnel et son surplomb réflexif.
jean-paul gavard-perret
Alexandre Castant & Iwona Tokarska-Castant, Visions de Mandiargues, Editions Filigranes, Paris, 2020, 192 p. — 25,00 €.