Une intensité d’incandescence
Murielle Compère-Demarcy agit en technicienne des surfaces vitales et ailées.
Sa poésie les habille de rouge dans une suite de tableaux et vignettes où les étoiles elles-mêmes filent au combat et ce, à travers diverses adresses : à Jacques Cauda, à Maria Desmée et bien d’autres, histoires de remonter des paysages “sur les joues planes de crêtes” où débaroule le tout venant de la faune et de la flore mais aussi les reliques d’un passé de contes.
Toutefois, le réel tel qu’il est n’est jamais oublié entre une poupée brisée, des imprudents et même un amoureux. Un tel chant dans son aspect disparate s’ouvre à tout et toutes sortes de sentiments et émotions.
Il y a là des maïeutiques de divers registres là où se scénarise le monde entre mésanges charbonnières et oiseaux de proie de diverses espèces.
Les interprétations du réel sont radicales et belles là où la créatrice erre en attendant que le soir s’asseye sur le bord du chemin : alors “la nuit le sortira des lignes / Transgressera le cadastre” avant qu’au lendemain matin “les poumons crachent plus loin que la nuit” pour chanter le jour.
Mais le temps presse. Murielle Compère-Demarcy sait qu’il existe pour elle comme pour nous le risque de se perdre.
S’instruit en filigrane une interprétation par l’inconscient dans ce qui tient des états que l’auteure rapporte jusqu’à sa décision finale et ce qui tient moins d’une fin que d’une obligation de tenir. La fatigue, écrit la poétesse, “s’évalue au visage fripé / de ma pomme” : celle-ci n’a plus la joie altière de — jadis — celle de Maurice Chevalier. Qu’importe : l’aventure de vivre reste au bout du stylo.
Et si les mots, les attitudes, les gestes ne sont pas forcément les “bons”, demeure un rythme de vie et son tempo. Il y a là du bruit, des lieux.
L’auteure a parfois du mal à en admettre les sons et la distance mais le soleil aboie plus fort qu’un chien. Dès lors, la poésie en sa folie sauvage avance encore. Sa fée se veut presque mutine pour rendre — en amour de nuit et de manière oblique — tout ce qu’elle a croisé et qu’elle rencontre là où pourtant le travail du rêve pourrait tourner parfois au cauchemar.
Néanmoins, perdue dans ses contemplations, l’auteure fait fonctionner au rouge sang la machinerie poétique. Parfois en grinçant. Mais tout reste possible.
Les ouvertures résistent aux enfermements dans des détours narratifs ou poétiques. Demeurent en conséquence bien des flammes qui brûlent et dansent avant que le silence se referme sur celle qui s’est livrée ici à une sorte de démence revendiquée comme telle.
Son souffle donne aux trois textes du livre une intensité d’incandescence.
jean-paul gavard-perret
Murielle Compère-Demarcy, L’écorce rouge suivi de Prière pour Notre-Dame de Paris et Hurlement, Z4 éditions, Le Monthury, 2020, 172 p. — 15,00 €.