Philippe Thireau inverse ciel et genres à travers ce qu’il nomme des “accidents intimes” relatés en “un journal/roman fabriqués de haïkus et tankas”. Les 103 poèmes sont regroupés en 8 chapitres. Ils recouvrent sept jours et une nuit. Le tout dans un cadre en profondeur et parmi des chemins où parfois “les femmes aux corsages fiers / peignent le pays en rose”.
Tout se construit au nom de la mère. Là encore, les données s’inversent : le “je” de l’auteur la porte en lui, jusqu’à devenir cette fille espérée qu’elle n’a jamais eue dans un travestissement mental.. D’où cette descente non aux enfers mais dans les entrailles de sa Jocaste.
Celui qui advint “garçon pas fille” file une sorte de honte et de colère de ne pas avoir été l’espéré(e). “Une jupe usée / s’envole sous la bourrasque” : que reste-il alors ? Sinon le manque puisque nulle sauvageonne n’a pu faire l’été. Rien n’y fait : tout a été (mal) joué d’avance. Que faire alors, que faire ? Qui a abandonné qui dans cette histoire d’amour impossible à plus d’un titre ? Père absent/fuyant, que reste-t-il à l’errant ?
Reste le plus troublant émoi. Et des chants enchâssés mais forcément mal emboîtés.
Le bâtard demeurera tel qu’il fut conçu, raté. Arrimé à ce qui lui reste de tant d’amour rejeté puisqu’il n’a pas su faire le nécessaire : être ce qu’il n’a pas été et se retrouve fou de la reine, nu, démuni et suspect à lui-même.
Mais dans ce livre superbe, et avec “un goût de verveine”, la bouche ose le chant de l’éternel hors-“jeu”.
jean-paul gavard-perret
Philippe Thireau, Je te massacrerai mon coeur, PhB Editions, Paris, 2019, 50 p. — 10,00 €.
L’heure des pivoines sonne, se laisseront-elles cueillir dans leur jardin?