Marie Pierre Bonniol a choyé sa biographie d’infante surdouée. A 2 ans, la Marseillaise fugue pour intégrer l’école, dès 4 ans elle écume la bibliothèque de son quartier, négocie l’accès au rayon adulte où elle y prouve un penchant pour les revues musicales rock dont « Best » où elle découvre une rubrique (“Do It Yourself”) qui deviendra sa philosophie.
Pré-ado, elle crée son premier fanzine et un label cassettes. Elle s’y intéresse aux musiques parallèles, expérimentales, bruitistes, et crée un second fanzine « Supersonic Jazz (en hommage à Son Ra). Avec son modèle du moment, Philippe Robert (auteur du fanzine Numero Zero et du « Mot et le reste »), elle publie des articles dans des revues et Les Inrockuptibles. Partis à New-York, ils créent des sessions d’enregistrements reprises par les labels Hat Hut et Table of the Elements avec des membres de Sonic Youth et de Kim Gordon.
De retour en France, l’insatiable multiplie les activités littéraires et artistiques, finit ses études en Esthétique, prend la direction de divers lieux artistiques où performent par exemple Julien Blaine, Keith Rowe, Liars, Stereolab. Elle fonde ensuite le festival « BBmix » (un must ) et développe « L’Air Guitar » en France. Elle quitte son pays pour Londres et son futur mari, organise diverses tournées (Faust, Zombie Zombie) avant de débarquer à Berlin où elle vit toujours.
Son goût pour les arts des marges et expérimentaux lui permet de collaborer même avec le Parc de la Villette, la Fondation Cartier. Elle poursuit toujours des activités de recherche sur l’imaginaire, les bibliothèques etc. et donne naissance à deux garçons dont les faire-part de naissance sont dessinés par Glen Baxter et Marcus Oakley.
Mais tout cela ne représente pourtant qu’un faible part des activités de l’insatiable insoumise. Elle ne cesse d’ouvrir des dispositifs originaux de circulations, d’économies et d’énonciations dont le site « Studio Walkter » permet de comprendre son cheminement ou plutôt sa course d’Iron Woman. Sa « Bibliothèque » offre un bel exemple de l’originalité, l’efficacité, la vitesse et l’humour de son travail aussi poétique que pratique.
Ce livre est un catalogue presque idéal et sinon raisonné du moins commenté : les titres permettent de comprendre (loin des postures de l’ego dont Marie-Claire Bonniol n’a que faire) qui elle est.
Il y a là et à prendre ou à laisser voire à acheter sans être trompé sur la marchandise : « Déchirure réparée en tête, toutes petites usures en pied et coins. La pagination est en très bel état, texte et photos. Envoi soigné en colissimo ou point relais » a-t-elle soin de préciser sur son exemplaire de la revue « Droit de Regard ».
Tout est précisé avec le même soin. Quant au lecteur, il éprouve un plaisir de curiosité presque voyeuriste en découvrant curiosités esthétiques, énigmes, logogriphes, ruines de l’esprit, jardins abandonnés, chambres de décompression et divers divertissement.
jean-paul gavard-perret
Marie-Pierre Bonniol, Une bibliothèque, Littérature_Mineure, Rouen, 2018 — 8,00 €.