Jean-Claude Pecker est né à Reims en 1923. Il est astrophysicien, professeur honoraire au Collège de France et membre de l’Académie des Sciences. Il a publié de très nombreux livres scientifiques ainsi que des ouvrages d’art et de poésie. Ce texte prend dans son œuvre un sens particulier : il a mis 50 ans avant de pouvoir l’écrire et 10 ans pour le faire.
Les huit poèmes sont un théâtre d’ombre des disparus. Pas n’importe lesquels. Nelly et Victor. Les parents de l’auteur arrêtés en 1944 le jour de son 21ème anniversaire. « Je ne me suis jamais remis de leur disparition. Ils ont été arrêtés parce qu’ils étaient juifs ». Les disparus ne cessent de le hanter. Les images de leur arrestation surgissent dans la “ moelle ” de l’auteur au nom des “ taliths ” vu sans doute par l’auteur à Auschwitz.
En un tel texte rarissime, la langue laisse sans voix. Elle devient le montage d’un épisode traumatique. L’auteur l’évoque non pour lutter contre l’oubli mais pour tenter de vivre. Et si au commencement était le Verbe, à la lumière noire de la Shoah ce verbe est resté pour Pecker de l’ordre de l’innommable.
Néanmoins, le poème n’est pas un devoir de mémoire mais un cri d’amour. Il sort de l’ombre et de la nuit du temps. C’est un théâtre d’ombres. Ecrire revient à vivre et mourir. Plus question de faire de choix entre ces deux verbes. Ils nous enseignent combien l’écriture ne se saisit pour celui qui devint l’orphelin que l’alignement d’un temps devenu tombe. Ces mots portent la douleur intérieure que seule la mort pourra effacer.
jean-paul gavard-perret
Jean-Claude Pecker, Lamento 1944–1994, Z4 éditions, Les Nans, 2017, 48 p. — 8,00 €.