D’un rêve, l’autre : entretien avec Lucy Einna

Le monde de Lucy Einna est fas­ci­nant, atta­chant et empreint tou­jours de mys­tère. La com­po­si­tion obéit à des lois que l’artiste orga­nise de manière intui­tive. Il est fort pro­bable qu’elle naît pro­gres­si­ve­ment d’une sono­rité domi­nante que Lycy Einna conti­nue de cherche et ne cesse d’évoluer. L’image si elle est voleuse de per­son­na­lité ne cherche pas ici à la for­cer . Bien au contraire. Mais corps parle. Il dit beau­coup : du psy­cho­lo­gique, du temps par exemple. De l’artistique aussi. Et sur­tout de l’humain. Exhibé au sein de ruines, il « des­sine » un abîme ou une vision plus cen­tri­pète. Mobile, immo­bile, immo­bile, mobile.

Entre­tien : 

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La fin d’un rêve . Le début d’un autre.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils existent , se méta­mor­phosent et se multiplient .

A quoi avez-vous renoncé ?
Sou­vent à l’Art . Pour enfin vivre .

D’où venez-vous ?
Du sud de la France .

Qu’avez-vous reçu en « héri­tage » ?
Beau­coup de peurs . Et la recherche de la beauté.

Qu’avez vous dû “pla­quer” pour votre tra­vail ?
La sécurité .

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Beau­coup ! La musique surtout .

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres pho­to­graphes ?
Aucune idée … hum… si … peut-être mon absence d’intérêt pour la technique .

Com­ment définiriez-vous votre manière d’aborder l’autoportrait ?
Simple et distante .

Quelle fut l’image pre­mière qui esthé­ti­que­ment vous inter­pella ?
“Saturne dévo­rant un de ses enfants ” de Fran­cisco Goya .
Au-delà de la méta­phore sur le temps qui passe ( saturne = chro­nos, c’est le dieu du temps ), ce tableau à mar­qué mon regard d’enfant . Auto-dévorant , expres­sif , il évoque d’abord la grande peur de l’enfant d’être dévoré par l’autorité d’un parent mais sur­tout la vio­lence inhé­rente à toute forme de relation .

Et votre pre­mière lec­ture ?
Mon père me lisait les “Illu­mi­na­tions” de Rim­baud . Mais ma pre­mière vraie lec­ture seule c’est “L’histoire d’Helen Kel­ler” de Lorena A. Hickok . Lu vers l’âge de 7 ans , c’est ma pre­mière aven­ture dans la lit­té­ra­ture du mono­logue inté­rieur . Helen est sourde , aveugle et muette . Per­sonne ne com­prend la puis­sance de sa haute sen­si­bi­lité . Mais elle par­vient mal­gré tous ses han­di­caps à dépas­ser le silence et à com­mu­ni­quer avec le monde .
C’est aussi une belle méta­phore de l’Art .

Quelles musiques écoutez-vous ?
ouff … tel­le­ment … beau­coup de contem­po­rains ( Rich­ter /Arvo Part / Glass / Cage ) … de l’électro , free jazz , du baroque … Bach très sou­vent …des chan­sons d’amour / bar­bara … gains­bourg … les années 70 ( Hen­drix / Pink Floyd …)

Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Le petit prince ” de Saint-Ex . Pour un retour au vrai .

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Depar­tures” (おくりびと, Oku­ri­bito ) , film japo­nais de Yōjirō Takita . Ce film nous plonge dans l’univers des tha­na­to­prac­teurs, les rites funé­raires japo­nais sont très beaux .

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
De plus en plus ma mère . Par­fois mon poten­tiel mas­cu­lin . Par­fois quelqu’un qui me regarde .

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ose tou­jours . J’ai sur­tout peur du silence en retour .

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La gare de la ville de Cer­bère dans le sud de la France .

Quels sont les écri­vains et artistes dont vous vous sen­tez le plus proche ?
…c’est aussi dur que pour la musique ! Beau­coup de pho­to­graphes femmes m’inspirent ( Gol­din / Mann / Arbus / Wood­man ) … Mais actuel­le­ment je me sens proche des gens beau­coup plus “simples” et libres que je ren­contre dans la vraie vie . Je crois que je me détache de la figure “paren­tale” des grands artistes et écri­vains . J’aime juste regar­der le tra­vail actuel de gens sur les réseaux sociaux qui ne sont pas recon­nus et qui s’en moquent complètement .

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
J’aimerais ré-entendre le rire de quelqu’un qui me manque très fort .

Que défendez-vous ?
Le droit de jouer .

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
haha … Je pense que Lacan aurait dû tom­ber fran­che­ment amou­reux ! … Hum … Je crois qu’il faut sur­tout sor­tir de soi et de sa tête pour aimer … vaste chantier .

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
… C’est bien une phrase d’égocentrique . Hum .. Allen … Drôle , invivable .

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Vivre ou dire la vie ? Que choi­sis­sez vous ?

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 8 août 2017.

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