Machines désirantes et expérimentales
Constitué de divers auteurs et artistes (Yannick Torlini, Annabelle Verhaeghe) et collectifs (collectif M.A.), Patch 1.2 est « une mise à jour du logiciel mental « mutantisme » ». Le principe est « a priori » — mais a priori seulement — simple : « nous refusons le temps, l’espace et la langage officiels ». Il s’agit dès lors de créer des machines, des processus plus que des œuvres d’art à proprement parler. Il s’agit aussi de construire ses propres outils, ses « machines créantes » pour les « scrypter » et les démultiplier avec d’éventuels déviations dans leur fonctionnement.
Les machines remplacent donc le créateur et son œuvre impressionniste au profit d’orchestrations de logiciels. L’objectif est de pallier la faiblesse et la bassesse constitutives de l’humain par une bienveillance « idiote » de la machine autrement désirante. Entre poésie et art des données pures, le livre décline à la fois marches à suivre et exemples de ce que la pixellisation peut produire jusque dans ses « cimetières » dans la lune de l’écran.
Tout reste donc à l’état de prolégomènes et d’expériences d’écriture sans que l’on sache encore où cela peut mener. Le livre permet toutefois de comprendre divers types de procédés qui auront sans doute beaucoup à dire et à montrer. Cependant, entre flacon et ivresse, l’articulation n’est pas forcément visible et ce, même si des modules tels que Resyntex ou Cathartexte ouvrent à des perspectives passionnantes sur le contexte de production et de pro-création.
Le travail de Mutantisme au niveau de ses finalités semble moins probant que ceux développés par exemple dans les numéros 33 et 40 de Passage d’Encres. Dans les deux cas cependant, il ne s’agit pas de circonscrire la nouveauté du processus numérique par des discours généralistes. Patch 1.2 fonctionne surtout comme un manuel. Il s’agit de caractériser des parcours et process. Mais là où Passage d’Encres parie sur des matières textuelles par support numériques, Patch 1.2 veut embrasser plus. Et c’est peut-être là où le bât blesse : pour revenir à la plus vernaculaire des littératures, force est peut-être de constater que « qui trop embrasse, mal étreint ».
jean-paul gavard-perret
Collectif, Mutantisme : Patch 1.2, Caméras animales, Marseille, 2016, 320 p. — 20,00 €.