Rim Battal, au moment où elle expose ses photographies à Rabat et à Marrakech, publie son premier recueil de poésie. La femme en est le sujet. L’auteure la fait advenir dans son corps et en devient la complice dans un livre-comptine « pour se réveiller et regarder le monde, se battre et aimer. » Les poèmes y demeurent visuels, ils sont faits — précise encore l’artiste - « pour être regardés, presque touchés, lus dans l’intimité » et sont accompagnés de photos de la créatrice tirée de sa série Mes baigneuses.
Chaque poème est là pour émouvoir et interpeller, afin aussi de dire le corps et son désir au sein d’une culture où « ces choses-là » restent encore des tabous. Dans les photographies comme dans ses textes, Rim Battal assume le statut de féministe : « logiquement, toutes les femmes, sans distinction d’âge, de classe, d’ethnie, ou de croyances devraient être féministes : c’est simplement soutenir que la femme est l’égale de l’homme » précise-t-elle. C’est pour elle un combat d’émancipation — et plus particulièrement de la femme marocaine : chacun (homme ou femme) la réduit avec une enveloppe « que l’on nourrit, que l’on entretient, lave, préserve mais qui ne nous appartient presque plus ».
A ce titre, Rim Battal défend la dépénalisation de l’avortement au Maroc : « Une femme devrait avoir le dernier mot sur son corps, encore plus lorsqu’il s’agit d’une grossesse ». L’art et la poésie restent ainsi des manières de lutter, d’imposer le droit aux femmes d’évoquer leur vie intime, leur sexualité et de proposer leur propre carte du monde.
Attachée au « nid » où elle a grandi, l’artiste à travers son pays s’adresse néanmoins à toutes les femmes. L’œuvre, nourrie de prise de paroles et de prises de vue, crée un dialogue entre la réalité et ce qu’elle doit devenir. Créer permet à la jeune créatrice de sortir du simple constat et d’envisager un monde où la femme n’est plus couchée — sauf lorsqu’elle le décide et lorsque cet abandon l’exhausse. Rim Battal prouve que la poésie est un acte de résistance dans sa force à décréer le monde pour le reconstruire autrement. Il existe en conséquence ici la création de l’image d’une absolue “nudité” au sein d’une culture où ce mot est en lui-même une provocation.
jean-paul gavard-perret
Rim Battal, Vingt poèmes et des poussières, Lanskine, 2016.