Osons sans hésiter nous laisser emporter par ce chant contre divers champs dans ce qui tient d’un magasin de curiosités (métamorphosées) mais en certains passages et passagers du destin. L’auteur parle au besoin de dorures et de malfaçons mais il est avant tout maniaque avec un accent aigu moins de dérision que d’humour sous cape.
Par exemple, un arbitre a quitté le rectangle vert pour des monuments funéraires. Le réel a battu les cartes de l’arène tant il a perdu et vigueur et audace. Pour autant, les natures dites mortes sont rares dans ce livre où des versions — même par défaut — sont emportées sous un swing qui devient le vecteur d’harmonie d’un ensemble a priori disparate.
Un tel opus ne peut pas laisser indifférent : son voyage vaut le détour. Il est euphorisant et paradoxal par rapport à la poésie banale et vade-mecum. Un tel style est impeccable et fait d’un tel ouvrage un véritable ovni.
A partir de l’orange jusqu’au canasson repus dans un pré mousseux (de peinture), tout devient double, euphorisant. Même l’absence au besoin prend une réalité. D’autant que, pour les choses et êtres vus, Etienne Paulin tranche et qui plus est étonne. Toutes les idées, après tout de ce qui pourrait rester des procès verbaux, sont rafistolées au fil d’où de l’imaginaire. Bref, ici, nous touchons du doigt le réel différemment. Quitte à le coincer dans une bielle avant qu’avec les 9 autres doigts il puisse préparer des gaufres s à fond marin en les transformant en contes ou odes.
Le réel est donc toujours en fuite, mais ici il n’est jamais dans le silence et n’ignore pas les vacances. Pas plus qu’un tel auteur ne connait l’oubli. Il a dû apprendre la musique. Pas n’importe laquelle : celle du verbe là où l’existant (même mort) n’est jamais émondé — et ce, jusqu’à ses cheveux.
jean-paul gavard-perret
Etienne Paulin, Le Bourriquet Vlan-Vlan, Les écrits du Nord, Editions Henry, 2024, 80 p. — 13,00 €.