Philippe Richelle & Jean-Michel Beuriot, Amours fragiles – t.09 : « Crépuscule »

Philippe Richelle & Jean-Michel Beuriot, Amours fragiles – t.09 : « Crépuscule »

Une série se termine… en beauté !

Cette série se clôt après avoir débuté en prépublication dans la revue À Suivre en 1997. Les auteurs racontent une histoire d’amours impossibles depuis l’accession d’Hitler au pouvoir, en 1933, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

À Lyon, à l’été 1944, la concierge dénonce Katarina, devenu Catherine, et son amie comme des femmes de mauvaise vie. Elles reçoivent sans cesse des hommes. Les policiers ne les trouvent pas et repartent. Elles se sont réfugiées dans l’appartement d’Henri qui les emmène dans une maison à la campagne, promettant de les ravitailler.
Martin, démobilisé, décide de retourner dans sa maison à Aachen. Dans un des rares trains, il retrouve Ottmar, un soldat qu’il a connu et qui revient du front de l’Est. Il l’emmène avec lui celui-ci n’ayant nulle part à aller. Sa maison est bien endommagée. Ils trouvent refuge dans celle de Katarina où, dans le grenier, il fait connaissance d’Hannes et de sa sœur Ulrika.

Hannes prostitue Ulrika, qui semble se satisfaire de cette situation. Mais la rencontre avec Ottmar fait bouger les choses. Hannes, parallèlement, se livre au marché noir, une activité bien florissante. Martin inopinément retrouve Hilda. Les amours fragiles entre lui et Katarina, la jeune juive dont il est amoureux, vont-ils connaître un heureux épilogue dans cette atmosphère crépusculaire ? Mais les maîtres des destins sont joueurs et…

Parfaitement documenté sur les diverses phases qu’a connues la période, ce récit met en scène des émotions, des sentiments, des situations et des attitudes intemporelles, dans la tourmente d’un pays ruiné tant moralement que physiquement. Il en est ainsi des difficultés à rester fidèle à ses valeurs, à ses amitiés et à soi-même.
Avec cette série, les auteurs mettent en lumière les contradictions de la société allemande de cette époque et placent le héros dans des situations où il doit lutter pour se préserver de la barbarie, pour échapper à la trahison et ne pas se laisser emporter par la haine. L’action de ce dernier tome se déroule principalement dans une Allemagne où la fin de la guerre est douloureuse et où les magouilles, la délation et les règlements de compte prospèrent.

Jean-Michel Beuriot assure un dessin réalité, privilégiant la clarté, la matérialité pour ne pas tomber dans l’esthétisme. Il propose des personnages que l’on peut croiser au quotidien et donne des décors soignés, précis et d’une grande beauté. Sa mise en page classique est efficace pour le rythme des actions et la mise en tension des intrigues.
Le travail de documentation est conséquent. À ce sujet, Jean-Michel Beuriot, dans une interview, cite une anecdote relative à Edgar P. Jacobs qu’il admire. Celui-ci n’arrivait pas à terminer Les 3 formules du Professeur Sato car il ne parvenait pas à trouver une documentation sur… les poubelles de Tokyo.
La mise en couleurs de Dominique Osuch restitue magnifiquement l’atmosphère de cette période crépusculaire.

Une série se termine ! Celle-ci le fait en beauté mais donne le regret de laisser un héros attachant, une suite d’aventures dans un cadre dantesque.

serge perraud

Philippe Richelle (scénario), Jean-Michel Beuriot (dessin) & Dominique Osuch (couleurs), Amours fragiles – t.09 : Crépuscule, Casterman, septembre 2023, 80 p. – 17,95 €.

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