Myette Ronday, Lents ressacs

Myette Ronday, Lents ressacs

La chair et l’esprit – tel(le) est épris(e)

Myette Ronday, connue comme romancière, prouve ici ses talents de poète. L’abstraction et la réflexion abordées souvent dans ses textes ne sont pas vidées de chair. Ses mots ne sont pas que l’ombre d’elle-même.
Lorsque qu’elle aborde son portrait de femme, l’auteure quitte progressivement des principes les plus habituels de l’Imaginaire. Théoriquement, elle propose un voyage vers divers types d’apparition parfois étranges a priori : « Ce que l’on voudrait c’est / bénéficier pour soi-même / des lois de transparence ». Mais, de fait, un jeu s’instaure entre le montrer et le cacher. Un bénéfice existe entre l’aérien ou le frivole voire certains dépassements.

Le livre devient une tapisserie d’aveux par le franchissement de seuils mais rien n’est directement montré. L’art de l’équivoque feutré devient attirant sous les vers-cellophanes qui s’entrouvrent ou font deviner par transparence. L’apparente dissolution est un piège auquel s’ajoute parfois l’usage du cosmos comme de la mer. Mais cela permet une dérive perpétuelle en ce ressac de ces deux champs :  le réel (possible ou allusif) allume l’imaginaire que l’esprit et le corps deviennent le fouet ou la caresse.
Ici, tout proférer, c’est aussi proférer le silence et montrer l’invisible. Pour l’auteure, c’est un moyen de proposer des illusions captivantes. Centre et absence, lieu de concentration et d’abandon, la présence perdure même si, néanmoins, elle serait exempte a priori de possession ou d’emprise.

Myette Ronday mène lecteurs et lectrices à sa guise. Si bien que  les pensées profondes et parfois dures, morbides laissent passer de beaux interstices là où tout pourrait recommencer. Cet éventuel avènement propose habilement une extinction nécessaire à la raison. Mais le rêve devient la folle ou plutôt la maîtresse du logis de l’être dont l’auteure indique une cartographie de ses lieux.

A l’extinction s’oppose ainsi l’apparition d’une lumière inconnue et blanche au moment où l’absolu dénuement du sens voudrait jouer sa puissance. Mais il est habilement différé dans cet art du voile. Apparemment, à la raison, le rêve n’ajoute rien, n’élargit rien. Toutefois, de fait, il agit autrement : il renvoie à l’affolement que produit la femme à mesure qu’elle sort de sa cachette.
A chacun de jouer avec celle qui propose son coup du charme où certains des plus réceptifs de l’allèchement poétique peuvent devenir abasourdis ou sonnés. Alors que demander de mieux ?

lire notre entretien avec l’auteure

jean-paul gavard-perret

Myette Ronday, Lents ressacs, Editions sans escale, 2024, 100 p. – 15,00 €.

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