Guillaume Apollinaire & Pierre Alechinsky, L’Art et l’Amour

Guillaume Apollinaire & Pierre Alechinsky, L’Art et l’Amour

Alechinsky le fin limier

C’est sur un feuillet in-8, à l’encre noire, sur papier à en-tête (biffé) Hotel Vier Jahreszeiten à Munich qu’Apollinaire a écrit son sonnet où la femme et l’art se mêle comme le rappelle le premier quatrain :
« O mon très cher amour ! toi mon oeuvre, et que j’aime,
A jamais j’allumai le feu de ton regard.
Je t’aime comme j’aime une belle œuvre d’art,
une noble statue, un magique poème. »

Au verso, il devait exister une lettre d’amour que le temps a effacé : elle est illisible (n’en reste que quelques mots dont « mon cher cœur »). Elle a probablement été adressée à Annie Playden. Le poète l’aima pendant trois ans lors d’un voyage en Allemagne chez la vicomtesse de Milhau. Elle était la gouvernante de sa fille et lui son professeur de français.

Alechinsky entre dans cette correspondance pour l’entrebâiller. Il entrouvre au moyen de son graphisme la fleur du secret à laquelle le poète jette ses soupirs énamourés et enflammées. La femme reste en filigrane par un travail enjoué et ironique. Il n’est pas expédié d’un trait mais créé de divers segments. L’objectif de l’acceptation par la jeune femme mené par le poète est donc détourné à la fois au profit et par les « incisions » de l’artiste. Ce que le discours amoureux pourrait posséder de trop « pesant » est allégé par les prises d’air d’Alechinsky. Apollinaire comme on dit en fait des tonnes !

« Tu seras, mon aimée, un témoin de moi-même.
Je te crée à jamais, pour qu’après mon départ,
Tu transmettes mon nom aux hommes en retard,
Toi, la vie et l’amour, ma gloire et mon emblême » .

Mais si le poète assure par avance ses arrières, l’artiste déplace le jeu du désirs à coups d’ellipses et de laps dans ce qui fait sa « patte » : un inaperçu de la rigueur loin du tape-à-l’œil.

jean-paul gavard-perret

Guillaume Apollinaire & Pierre Alechinsky, L’Art et l’Amour, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2017.

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