Antonio Tabucchi, Dialogues manqués suivi de Marconi, si je me souviens bien ( Dialoghi Mancati )

Antonio Tabucchi, Dialogues manqués suivi de Marconi, si je me souviens bien ( Dialoghi Mancati )

Voix parmi les voix

Ce livre permet de découvrir (du moins en France) deux faces méconnues du talent de Tabucchi. A savoir, son travail pour le théâtre et la radio. L’art de dialogue y est patent et épatant. L’auteur italien sait cultiver la légèreté des dialogues et l’art de la dramaturgie au sein de situations pour le moins improbables. Comme par exemple l’échange entre un joueur d’orgue de Barbarie et un sosie de Fernando Pessoa qui interprète ses œuvres et veut téléphoner à Pirandello, qu’il n’a pu rencontrer lors du séjour de celui-ci à Lisbonne en 1931…
Mais ces « dialogues manqués » ne le sont pas uniquement à cause des malentendus inhérents aux situations. Tabucchi parle aussi avec lui-même ou ses pairs : les deux cités mais aussi Orwell afin d’évoquer ce qui le et les intéresse : le passage (hâtif) du temps et la mélancolie que cela génère.

Tout jaillit dans ces trois pièces de manière aussi poignante que drôle. Tabucchi n’hésite jamais à biffer tout ce qui est secondaire afin que ces œuvres orales portent le langage à une limite musicale. Glissant – pour un temps – du côté de la radio et du théâtre, l’Italien sait parfois sembler seul au monde avec sa voix et celles de ses personnages pour lesquels chaque syllabe est une seconde de gagnée sur le temps.
Après, il pourrait presque se taire et dire comme le héros d’un autre auteur de textes pour la radio : « Je suis en progrès, il était temps, je finirai par pouvoir fermer ma sale gueule » (S. Beckett, Textes pour rien).

jean-paul gavard-perret

Antonio Tabucchi, Dialogues manqués  suivi de Marconi, si je me souviens bien (« Dialoghi Mancati »), Trad. de l’italien par Bernard Comment, collection  » Du monde entier », Gallimard, 2017.

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