François Mitterrand, Lettres à Anne (1962-1995)

François Mitterrand, Lettres à Anne (1962-1995)

Anneries

Il ne sera pas question de savoir ici si Mitterrand fut ou pas un mauvais politique comme l’on dit de quelqu’un qu’il est ou n’est pas un mauvais type. A l’inverse, il est facile d’affirmer que l’épistolier amoureux est bien pâle écrivain. Et c’est un euphémisme. Il suffirait pour s’en convaincre de mettre en parallèle les corpus de lettres d’un Joyce (pour rester chez le même éditeur) et ce moulage de conventions qu’on ose à peine appeler littéraires. Mitterrand est à Joyce ce que Giscard d’Estaing est à Sade.
Il faut dès lors se demander quelle mouche a piqué à la fois la réceptrice de telles mièvreries et Gallimard pour publier ce pensum. Côté éditeur, cela fleure le juteux coup éditorial. Voilà le genre de livre qui peut s’offrir à Noël pour un vieil oncle jadis inscrit au P.S. après le congrès d’Epinay (le bien nommé…). Quant à la dulcinée et aux ayants droits qui lui ont accordé son aval, la seule justification semble être la pérennité de la statue du commandeur. Il n’en sort pas forcément grandi. Toutefois, ceux qui n’aiment pas la littérature mais chérissent Gala et Voici trouveront ce qu’ils prendront pour un trou dans la cuirasse. Mais tout est luxe et vanité plus qu’amour et volupté. Maintes fois le sucre remplace le sel de Paris à Latché jusqu’à la lagune de Venise, lieu d’escapade des amants (la visite des églises prélude à toute leur faim utile).

Caché derrière un mariage qui ne se force pas (ce qui en dit long sur le sentiment, les tours et les détours de celui qui vaticina loin de son amante de cœur), le monarque trouva dans la jeune femme savante l’occasion de jouer les romantiques aux antiquités rhétoriques fleuries. Le sentimentalisme s’y fait commercial, conditionné, bien fait de sa personne. Et l’on sent que le transi écrit autant par mouvement naturel du cœur que par devoir d’égo dont sa printanière se fit le miroir silencieux.
Surgit habilement chez le Prince au moment où il s’ennuie le désir d’ailleurs mais aussi d’être là. Néanmoins, la femme est plus là pour entretenir le fantasme que pour produire un trouble plus profond. Elle devient la ponctuation d’une vie et d’une langue guère vivante. Celle-ci se garde bien casser les interdits que la morale réprouve. Du moins en partie puisque sur ce plan, celui qu’on nomma Tonton fut toujours arrangeant. Mais la beauté de l’aimée se chante ici dans le bain suave d’histoires d’eau de rose plus que d’O.

Le style amoureux est fabriqué selon une forme de recup-art de tous les poncifs du XIXème siècle. Ce sont des vieux vêtements que le Président crut sans doute au goût du jour ou de sa brune. Elle semble avoir prisé ces loques remisées en du sur-mesure d’un assistanat social(iste). Elles ne peuvent toutefois qu’interloquer le lecteur. Certes, pas question d’y trouver un reste de marijuana dans un flacon d’Exedrine. Et ceux qui chérissent les cascades de poncifs seront servis.
Anne en sortira sans doute grandie plus que son machiavélique étourdi. Elle n’est jamais traitée en belle de cas d’X. Aura-t-elle senti néanmoins qu’il y a loin de l’amour fou surréaliste aux banalités d’un redondant rémouleur ? Mitterrand a en effet oublié que le réel amant « avare de ses aveux est un oiseau muet qui n’écrit jamais, jamais » (Paul Bourgoignie) car il a mieux à faire.

jean-paul gavard-perret

François Mitterrand,  Lettres à Anne (1962-1995), Gallimard, Paris, 2016.

2 réflexions sur « François Mitterrand, Lettres à Anne (1962-1995)  »

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  2. Le peu de ces lettres ( le plus souvent , il s’agit de la moelle , n’est ce pas ? ) que j ‘ ai pu lire ( consulter ! ) sur la page littéraire du Figaro , est d’une consternante mièvrerie , qui  » colle  » parfaitement à leur auteur . Et que penser de la  » Dame  » de ces pensées ? Et ben , qu’elle a supporté bien longtemps d’être nourrie de tels  » Minestrone  » , ce qui illustre leur cosmique Amour ( ne cherchez pas l’erreur de frappe ! ) . On est certain que Gallimard s’est tiré une balle dans l’aire cérébrale de la perspicacité et que ce qu’il a gagné aujourd’hui , il le reperdra demain ! Allez , circulez …..

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