Cérémonies sataniques

Jaillissant de l’ombre sans y renoncer, les créatures de Claire et Philippe Ordioni donnent l’impression de se retirer du réel tout en l’affrontant. Eternellement étrangères (du moins en apparence) à l’homme, les égéries (il y a aussi quelques hommes dont Jean-Pierre Dreyfus) cultivent tout un jeu entre présence agressive et une forme d’indifférence, de léthargie. Leurs costumes les protègent, les rends invulnérables ou pour le moins sur leurs gardes.
Chaque portrait s’offre entre absence et présence. Celle ou celui qui en jaillit devient le plus désirable ou le plus repoussant, mais demeure inaccessible – même si c’est dans le visage et ses atours que chacun se révèle. La présence reste ici un mystère scénarisé. Le spectateur traverse le pays des merveilles comme celui des horreurs.

T out y est sophistiqué. Tout est aussi et le plus souvent cynique voire volontairement outrageux eu égard à une certaine « bienséance ». Les deux créateurs cherchent une indignation mais il faut se rassurer : elle n’a rien d’humaniste. Les photographies intriguent, déroutent, amusent, émeuvent. Elles peuvent déclencher une réaction presque instinctive de plaisir ou de répulsion.. Elles appellent d’autres images (fixes ou non) qui nourrissent notre imaginaire, comme celui des deux artistes.

jean-paul gavard-perret

Claire & Philippe Ordioni, Portraits baroques, Editions Arnaud Bizalion, 2016 -18,00 €.