Christian Bobin, La vie passante

Christian Bobin, La vie passante

L’art de la bribe

Fata Morgana republie un des premiers livres de Bobin. Il initia une forme de volontaire légèreté. Le ton était donné d’emblée : « Je vous écris au pied de cet arbre /souvent aussi je n’écris pas /et c’est sans importance / je dors ou bien je lis / Les livres sont des enfants qui consolent les grandes personnes ». C’était un peu mince, mais voici Bobin pratiquement torchon sur l’épaule, humble de manutention, prolétaire de la poésie jusqu’à l’imaginer chez lui avec ses chaussons traînant sur le plancher.

Cette vision d’une telle poésie vraie imite le faux tout en s’évertuant à faire juste. Mais c’est comme si ce summum  s’identifie à l’apex du faux. Bref, faire faux devient un moment du faire vrai (et vice-versa). L’époque voulait ça et Bobin y répondait sans pour autant revenir au bouquet huysmanien de Des Esseintes là où la plus belle fleur n’est pas la fausse qui a l’air vrai mais la vraie qui a l’air faux.

Toutefois, Bobin allait inventer très vite l’art de la bribe en vaquant entretemps à des urgences douteusement énigmatiques. Mais c’est comme si, écrivant, il est sans y être, en train de regarder, écouter à moitié amolli de tendresse, de charme toujours un peu éberlué.
Il ne cessera jamais d’écrire qu’il est « porté par plus léger que moi »,  particulièrement ici avec sa longue lettre-poème adressée à Nella Bielski. Il y découvre la lumière que l’écriture réverbère légère et ventilée dans son art de la simplicité confondante. C’est presque ne pas comprendre ce mot si s’efface la contradiction qu’il désigne – d’autant que la tension ici  n’installe jamais la moindre contradiction. Nonobstant fut donc ouverte une forme poétique.

jean-paul gavard-perret

Christian Bobin, La vie passante, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2024, 48 p. – 14,00 €.

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