Carré du pion
(Du champs d’échecs)
Face à tous les possibles, elle enferma son célibataire dans un désir perpétuel. Malgré ses attentions, son cœur resta en état de silence. Mais coupé des âmes, il voulait s’élever au-delà de son corps, vers la pureté virginale de sa prochaine mariée. Celle-ci espéra réaliser la grande libération de l’âme par la réconciliation des contraires. Elle se situa entre le bruit de détonation d’un fusil et la marque de sa balle sur la cible, entre pulsion de vie et de mort, entre principe masculin et féminin.
Dans leur partie d’échecs, face à cet homme, la joueuse nue brouilla les pistes. Elle l’amena où elle voulait: vers la clé de la révolution intérieure, par la diagonale du fou. Dans un grand silence, son futur époux livra tous ses secrets. Ils se broyèrent en fibre par réduction et agrandissement.
jean-paul gavard-perret
Photo : Andrew Ellis