Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes, tome I et II

Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes, tome I et II

Dans les livres de Sherlock Homes, sa lucidité ne peut être que celle de l’intuition, cette façon qu’il possède, à partir de son unicité, de saisir soit l’autre soit une situation. Si bien que l’instant (de la vie, de la mort) est autre chose. C’est un point de bascule. où l’avenir entre dans le présent appelle et remodèle ce qui a eu lieu et qui renaît dans le moment d’un éveil. De celui qui est agile et rapide à la manière d’un danseur. Il saisit les « Je-ne-sais-quoi », les presque-rien là où une une pulsation particulière de l’écriture s’élance, rebondit, se reprend, s’élance à nouveau, créant son ordre ou son désordre autour d’elle.

Pour chaque roman , il faut de l’espace, une durée suffisante. La phrase et non le mot peut offrir cet espace, cette durée, très exactement le phrasé. Un événement se produit à l’intérieur de la course, à la faveur duquel le lecteur voit ce qui s’est passé. Tout cela s’enveloppe dans une étrange sorte de calme comme une course au ralenti.

Et ce, depuis le 221B Baker Street, loué à une certaine Mrs. Hudson et doté d’un bow-window par lequel observer la rue et méditer sur l’existence en attendant que frappe à la porte la nouvelle aventure. Ce n’est pas n’importe qui qui occupe les lieux, mais un narrateur : le docteur Watson – colocataire du 221B et qui consacre ses loisirs à mettre en forme les notes qu’il a prises au moment où les enquêtes dont il était le témoin ou l’auxiliaire.

Elles battent leur plein – et particulièrement celle au sujet d’ un ennemi juré : le professeur Moriarty, véritable génie du mal, également appelé le « Napoléon du crime ». Et c’est tout dire pour les Anglais ! Mais il ne l’emportera pas au paradis et sa chute fera couler beaucoup d’encre. Le part belle se doit au héros, détective émérite et sollicité (souvent des femmes) muni d’une canne, d’une loupe, d’une pipe ou d’un violon. Quant à ses illustrations, il est couronné d’une casquette de chasse qui deviendra son emblème.

Non content de posséder une mémoire prodigieuse, Holmes a une autre particularité remarquable. Pour lui, la réalité est un réseau de signes destinés à être déchiffrés. Et dans les situations désespérées qu’il affronte, il se révèle l’ultime recours des victimes. C’est donc un nouveau chevalier Dupin de Poe ou l’inspecteur Lecoq de Gaboriau. Certes, Holmes a d’ailleurs peu d’estime pour ces collègues et n’est pas toujours commode, mais c’est sans doute ce qui fait son charme.

De caractère variable, voire bipolaire, phobique, mégalomane, hautain, sociopathe,
misogyne, il moque des femmes et son ami Watson, dont le dévouement est pourtant sans faille. Il est vrai que Holmes est aussi troublé que troublant… Mais sans rien abdiquer de son propre mystère, il fait du monde un espace intelligible.

Quatre romans, cinquante-six récits réunis en cinq recueils – le tout formant le canon holmésien –, sans oublier quatre histoires dites « extracanoniques » parce que leur auteur n’a pas souhaité les faire figurer au nombre de celles qu’il revendique. Ce corpus est intégralement retraduit pour cette édition en deux volumes.
Le lecteur se concentre sur le maximum de ferveur d’un tel limier. Il affirme aussi que chaque recommencement est un commencement quant à son regard et son intuition : ils sont toujours neufs. Là où des mots naissent des phrases qui conduisent vers d’autres et vers ce qui n’est ni paroles ni phrases mais la naissance de la solution et de la vérité, au bout de chaque histoire et narration.

Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes, tome I et II, nouvelles traductions, trad. de l’anglais par Laurent Curelly, Alain Morvan & Mickael Popelard. Édition publiée sous la direction d’Alain Morvan, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade , 2025, 1180 p., 62 € chaque volume.

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