Arnaldur Indridason, Les Parias
Avec Les Parias, le romancier propose le cinquième épisode de sa série Konrad qu’il avait débuté avec Ce que savait la nuit (Métailié – février 2019).
Konrad se souvient du jour anniversaire de ses neuf ans, l’attitude de son père qui lui reprochait ses questions idiotes, l’arrivée de Addy, sa tante, apportant un gâteau et des cadeaux de la part de sa mère.
Un homme, au seuil de sa vie, veut raconter à son compagnon un événement qui le hante depuis des années.
Marta, une policière, remarque une vieille dame qui patiente depuis des heures au commissariat. Celle-ci est venue rapporter une arme qu’elle a retrouvée dans les affaires de son mari décédé depuis six mois. Marta finit par confier le Luger à un expert en balistique. Celui-ci découvre que cette arme a servi pour un meurtre en 1955.
Konrad, averti, craint que ce Luger soit celui que son père lui avait montré quand il était enfant. Il se remémore alors cette affaire, cet homme tué dans le quartier de Mulahverfi. Il n’aura de cesse, alors, que d’élucider ce crime en cherchant la possible implication de ce père assassiné quelques heures après une violente dispute avec lui…
Konrad, lorsqu’il était policier actif, a été confronté à nombre d’affaires sordides qui, pour certaines, sont restées non éclaircies. Depuis qu’il est à la retraite, il continue de fouiller pour résoudre le mystère qui entoure la mort de son père et il enquête sur des affaires restées sans réponses.
En usant de nombreux retours dans le passé, Arnaldur Indridason brosse un tableau de la vie difficile de Konrad depuis son enfance, avec ce père brutal, dangereux et malhonnête. Ces flashs-back montrent aussi ces populations à la marge d’une société islandaise qui se veut irréprochable, en façade, mais qui est secouée par tant de turpitudes.
Le romancier braque son projecteur sur ces parias, ces pauvres vivant dans des conditions précaires, ces individus en marge pour leur homosexualité, les enfants victimes de réseaux pédophiles. C’est aussi le récit des collusions entre forces de l’ordre et univers du crime, de la délinquance. La frontière est ténue entre les deux. Et Konrad va se tenir à la frange de ce système passant sans trop de scrupules de l’un à l’autre, obsédé par le résultat quels que soient les moyens employés.
Avec Les Parias, Arnaldur Indridason dresse un portrait saisissant d’une Islande peu médiatisée, en proie à des séquelles d’un passé très lourd, chaotique. Il signe une intrigue solide, attractive, jouant avec brio des possibilités narratives des allers-retours dans le passé. C’est un roman à la fois magnifique pour le contenu, le récit et terrible par les sujets abordés. Il est difficile à lâcher pendant la lecture et il marque la mémoire la dernière page refermée.
serge perraud
Arnaldur Indridason, Les Parias (Kyrrϸey), traduit de l’islandais par Éric Boury, Métailié, coll. « Bibliothèque nordique – Noir », février 2024, 320 p. – 22,50€.
