Marie Claude Kerrenneur, Vinculos y Metatmorphosis

Surfaces irri­tantes, sur­faces irritées

“Le tableau s’est mis à pâtir pour régner” (Robert Pinget)

A sa manière, Marie Claude Ker­ren­neur fait retour aux images les plus pri­mi­tives et sourdes par ses effets de sur­face sur face. Par ce trans­port, le tableau s’ouvre alors sur un immense inconnu. Tra­vaillant des matières ori­gi­nales et variées, en per­pé­tuelle recherche de nou­velles tech­niques, l’artiste crée des uni­vers, qui certes peuvent évo­quer des rêves, des his­toires, mais sur­tout une mise à nu — invo­lon­taire ou presque — de l’inconscient.

Ses “Rouilles”, “Matières”, “Col­lages et Pig­ments”, “Terres cuites” font que, par-delà ce qui est mon­tré, le véri­table sujet de la pein­ture est son propre “corps”. L’organisation et la visée de la toile se trans­forment. L’artiste non seule­ment invente des formes mais traite ses diverses matières afin qu’elles fassent obs­tacle à la repré­sen­ta­tion clas­sique.
Par sa mul­ti­pli­cité d’approches, Marie Claude Ken­nem­meur comme un Tapiès mais selon d’autres pro­ces­sus modi­fie la sur­face de la toile dans un mou­ve­ment et un trai­te­ment d’où jaillit une nou­velle sub­jec­ti­vité. Celle-ci ne peut plus être le ter­ri­toire de l’illusion sur laquelle un leurre vien­drait se poser mais celui d’un consen­te­ment à une autre emprise par effet de “loques” qui inter­loquent le regard en des tex­tures tra­vaillées à dessein.

La toile devient non seule­ment une sur­face plane mais un ensemble de par­ties convexes et concaves. Si bien que, comme Beuys ou Coi­gnard, l’artiste cherche à incar­ner une cor­po­réité para­doxale par laquelle la matière tra­vaille la réver­sion figu­rale et la logique habi­tuelle du repli ima­gi­naire. Il ne s’agit pas cepen­dant de voi­ler la repré­sen­ta­tion mais de lui sub­sti­tuer un bou­le­ver­se­ment de sa thé­ma­tique.
A rebours de l’effet clas­sique de pans sur­git un espace héré­tique dans laquelle la matière-support devient objet. Aux effets de nimbes, de lumières, d’ombres voire de taches se sub­sti­tue cette emprise du sup­port. C’est en outre le moyen de tuer tout manié­risme de la peinture.

La sur­face n’est plus l’infirmière impec­cable de nos iden­ti­tés. Sa peau est tra­vaillée voire usée mais pour que l’imagination puisse ima­gi­ner encore à  mi-chemin du proche et de l’étrange. Il se peut qu’elle nous plonge dans l’impasse dont nous ne sommes jamais sor­tis là où des seuils n’indiquent plus le pas­sage du fan­tasme à son reflet imité. Elle devient en consé­quence la porte infer­nale où nous ne ces­sons de frap­per.
Elle est la dou­leur, le plai­sir, la pen­sée, le monde loin d’une récep­tion atten­due et pré-organisée. Sur­gissent par­fois des “cris en trombes lentes” (Henri Michaux) là où le soyeux et le lissé laissent place à l’accident, au nœud. Créer n’est donc plus mettre de l’ordre mais entrer dans le silence de l’inconscient en pré­fé­rant au besoin la dou­leur de la nuit à la splen­deur du jour. Pouvons-nous sup­por­ter une telle confrontation ?

lire notre entre­tien avec l’artiste

jean-paul gavard-perret

Marie Claude Ker­ren­neur, Vin­cu­los y Metat­mor­pho­sis, Bui­trago (Espagne), été 2023 et “Ate­lier Andelu Vallauris”

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