Depuis 2019 et afin de trouver paix et sérénité, Pascal Boulanger a changé non de peau mais de lieu : ” je est un autre, je suis l’autre, celui qui vit près de la baie du Mont Saint-Michel,(…) échappant à l’injonction sociale et aux divers crachats sur l’asphalte des villes”.
Les fragments d’un tel poème en prose font le lit d’une sorte de dissidence. L’auteur nous place “face au spectacle des mots jouant le texte du monde et des choses qui le constituent”.
En ce qu’il nomme une “érotisation de la parole”, les mots arpentent le paysage. S’en suivent diverses propositions et une suite d’aveux par sauts et gambades. De telles vaticinations permettent de nous comprendre. Cela devient non une leçon mais un apprentissage.
Et ce, depuis le jour où la naissance de sa petite fille transforma l’existence de l’auteur plus que le plus beau poème surréaliste (d’Aragon) — mais qu’il ne renie pas pour autant.
Les considérations existentielles et littéraires se mixent afin de mettre à jour les “enchantements simples, dans la perpétuelle enfance du monde” soudain redécouverts. Dans ce but, l’auteur n’hésite pas à donner la parole à ses pairs : Bataille, Lautréamont, Pascal et bien d’autres. Le tout pour mettre à mal le babil sentimental dont les Macron deviennent parfois les parangons.
L’impertinence est ici forcément de mise mais n’est jamais gratuite. Preuve d’une attention soutenue à ce qui arrive dans la cérémonie du présent. Sensible aux affres de l’époque, l’auteur fait sienne la quête de la beauté pour atteindre ou se rapprocher de la “poétique totalisante” et sa “co-naissance” chère à Claudel. Pascal
Boulanger devient dans cet espoir le promeneur solitaire des plages normandes. Là, il pense en marchant, et parle “dans un saisissement qui le dessaisit” pour devenir enfin qui il est.
jean-paul gavard-perret
Pascal Boulanger, En bleu adorable, Tinbad, Paris, avril 2023, 90 p. — 15,00 €.