Le chorégraphe rosse
Réda se présente ici comme un poète qui, comme tous ses pairs, n’est — selon lui — qu’un musicien humilié, “pas même des pipeaux ou des harmonicas saisis au hasard par le Souffle”. Et même si cela est déceptif, il s’agit d’avancer dans un tel état et n’être qu’un outil ou un espace “déshérité comme une impasse, comme un chambre d’hôtel où n’importe qui peut surgir, déballer sa valise, fixer jusqu’au noir absolu l’ampoule qui dévaste.“
Mais néanmoins une parole se crée proche et lointaine, aussi maudite que miraculée.
Tous ces textes parus de 1969 à 1982 dans différentes revues abordent la nature et la question de la poésie et les difficultés qu’un tel travail nécessite pour peu que la poésie ne se conçoive pas comme un simple prurit de l’ego.
La réflexion poétique touche ici non seulement l’oeuvre du poète mais aussi de ses aînés. Et c’est ainsi que de tels “pas légers” ne sont en rien faits pour une danse de salon. L’auteur évite toutefois de chausser de gros sabots pour s’aventurer dans les arcanes de la cosa poetica, fidèle chez lui à sa proximité avec la science et une forme de métaphysique. Mais pas seulement.
A la fois discursif mais poétique, Réda évacue toute possibilité de lyrisme pompier comme de l’illisible que certains faiseurs caressent de leurs voeux. Et pour un tel créateur, il convient de postuler vers d’autres élans parfois ironiques afin que la et le poétiques retrouvent leurs “couleurs” et leurs insondables rythmes.
jean-paul gavard-perret
Jacques Réda, Celle qui vient à pas légers, Illustrations de Pierre Alechinsky, Édition augmentée d’un chapitre supplémentaire, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2023, 96 p. — 17,00 €.