Ladislas Starewitch et alii, La Période russe de Ladislas Starewitch, 1909–1919

Les jeunes années d’un génie

Nous avions déjà com­menté ici le cof­fret Sta­re­witch, cin­quan­tième anni­ver­saire, qui réunis­sait la plu­part des chefs-d’œuvre de ce génie de l’animation. Les édi­tions Doriane pour­suivent leur louable tra­vail sur ce cinéaste en met­tant en valeur, ici, la pre­mière décen­nie de sa car­rière, lan­cée du temps de l’Empire russe.
Léona Béa­trice Martin-Starewitch (la petite-fille du maître) et Fran­çois Mar­tin ont rédigé, pour accom­pa­gner les films, un livret de 24 pages, très appré­ciable et ins­truc­tif. On y apprend, entre autres, que La Belle Luca­nide (1910), le pre­mier film de fic­tion de Sta­re­witch, fut aussi le pre­mier film pro­duit en Rus­sie à être vendu à l’étranger, ce qui n’a rien d’étonnant, au vu de sa qua­lité et de son originalité.

La ver­sion fran­co­phone de La Cigale et la Fourmi (1912, il y a aussi une ver­sion rus­so­phone qui figure dans les bonus) a été “offerte“, comme son géné­rique l’indique, par le pro­duc­teur, à l’héritier du trône de Rus­sie, détail his­to­rique qui confère une réson­nance par­ti­cu­lière à la triste fin du film – le spec­ta­teur est tenté de faire le lien avec la mort qui atten­dait le tsa­ré­vitch.
Dans le même ordre d’idées, il est pas­sion­nant de décou­vrir le film “péda­go­gique“ Vers le pou­voir popu­laire (1917) des­tiné à inci­ter les Russes à voter aux élec­tions de l’Assemblée consti­tuante. C’est l’une des œuvres de Sta­re­witch tour­nées avec des acteurs, en décors réels, dans un style éton­nam­ment vériste, sur­tout pour l’époque. L’aspect pro­pa­gan­diste y est beau­coup moins appuyé que dans le cinéma sovié­tique qui allait naître dans les années sui­vantes, ce qui fait que ce tra­vail de pré­cur­seur appa­raît para­doxa­le­ment comme plus moderne que, par exemple, tels opus de Dziga Vertov.

Un autre film inter­prété par des acteurs, Sachka le Jockey (incom­plet), nous offre le plai­sir de nous plon­ger dans une Rus­sie d’avant la révo­lu­tion, où le monde des courses est repré­senté avec un réa­lisme sai­sis­sant, qui se com­bine éton­nam­ment bien avec le jeu sty­lisé et l’intrigue rela­ti­ve­ment conve­nue. Le Lys de Bel­gique (1915), mélange d’animation et de prises de vue réelles, est aussi inso­lite que réussi : il s’agit d’une allé­go­rie au sujet de l’invasion de la Bel­gique par les Alle­mands. De ce sujet rela­ti­ve­ment ingrat, Sta­re­witch  tire une vraie mer­veille de finesse et d’inventivité.
Enfin, signa­lons La Nuit de Noël, d’après Gogol, où le célèbre Ivan Mos­jou­kine joue le Diable, sous un masque qui le rend à peu près aussi recon­nais­sable que Jean Marais dans le rôle de la Bête. C’est l’un des films les plus drôles du cof­fret, et une bonne part de son aspect hila­rant tient à la ges­tuelle de l’acteur qui s’est mani­fes­te­ment amusé comme un fou dans ce contre-emploi.

agathe de lastyns

 Ladis­las Sta­re­witch et alii, La Période russe de Ladis­las Sta­re­witch, 1909–1919, cof­fret de 2 DVD, éd. Doriane Films, décembre 2022, 292 min., — 18,00 €

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