Gwen Garnier-Duguy, Danse sur le territoire

Réen­chan­ter le monde

Sous le noir de vie, les sen­sa­tions perlent, pal­pitent et parlent même lorsque la nuit blanche des plus noirs cau­che­mars hisse un très mur très haut. C’est ce que la poé­sie de Garnier-Duguy rap­pelle. Ses vers jouent de la cou­leur d’un soleil — bal­lon sombre atta­ché à la terre -  ou de celles des lam­beaux san­gui­no­lents de nuages qui illu­minent le cré­pus­cule de leur pré­sence. C’est pour­quoi, à tra­vers son expé­rience océa­nique et construc­tive, le poète impli­ci­te­ment pro­poses des plans sur la comète terre qui pour­tant pour beau­coup de ses confrères semble une comète plus inac­ces­sible que celle d’Isis, l’invisible et intou­chable étoile ner­va­lienne.
Garnier-Duguy pro­pose une relec­ture de notre ter­ri­toire plus para­di­siaque que les lyriques le chantent. Ne se vou­lant pas des enfants de Marie, ils se croient anar­chistes par ce qu’ils défont. C’est un peu court. L’auteur pré­fère les courbes ardentes telles que son pre­mier recueil le démontre dans son “infini actuel” cher à Can­tor . Il répand une jouis­sance là où la sen­sa­tion et ce qu’elle per­met de créer atteint le lieu où la parole manque, dans l’impensable ou plu­tôt l’impensé. Voilà le réel enjeu pour qu’une vérité renaisse des cendres des men­songes d’une lit­té­ra­ture dont les puis­sances rendent par­fois l’être abo­mi­na­ble­ment cruel et déliquescent.

A l’inverse, l’auteur ouvre à un ima­gi­naire de la muta­tion et du réen­chan­te­ment où l’éclat à la vie prend un registre par­ti­cu­lier. Il met en ten­sion le monde et ce qu’il pro­cure comme sen­sa­tions. Elles deviennent la condi­tion fon­da­men­tale du lan­gage poé­tique, très par­ti­cu­lier. Les mots par­fois se jouent d’eux-mêmes pour n’être pas de pauvres jouets mais sont magiques lorsqu’ils osent l’exaltation de la tendre indif­fé­rence du monde. La tâche du poète est d’en pré­ser­ver les vibra­tions d’ouvertures au sein de textes qui rendent les plis vivants en ten­tant le plus pos­sible d’exclure toute men­ta­li­sa­tion qui devien­drait un filtre à l’émotion. Sur­git, plus qu’un déploie­ment de l’imaginaire, la pré­sence d’une inti­mité oubliée avec soi-même et le monde pour leur mutuel épanouissement.

jean-paul gavard-perret

Gwen Gar­nier Duguy, Danse sur le ter­ri­toire, Édi­tions de l’Atlantique, Col­lec­tion Phoï­bos, Saintes, 2013, 13,00 €.

Leave a Comment

Filed under Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>