Sous le noir de vie, les sensations perlent, palpitent et parlent même lorsque la nuit blanche des plus noirs cauchemars hisse un très mur très haut. C’est ce que la poésie de Garnier-Duguy rappelle. Ses vers jouent de la couleur d’un soleil — ballon sombre attaché à la terre - ou de celles des lambeaux sanguinolents de nuages qui illuminent le crépuscule de leur présence. C’est pourquoi, à travers son expérience océanique et constructive, le poète implicitement proposes des plans sur la comète terre qui pourtant pour beaucoup de ses confrères semble une comète plus inaccessible que celle d’Isis, l’invisible et intouchable étoile nervalienne.
Garnier-Duguy propose une relecture de notre territoire plus paradisiaque que les lyriques le chantent. Ne se voulant pas des enfants de Marie, ils se croient anarchistes par ce qu’ils défont. C’est un peu court. L’auteur préfère les courbes ardentes telles que son premier recueil le démontre dans son “infini actuel” cher à Cantor . Il répand une jouissance là où la sensation et ce qu’elle permet de créer atteint le lieu où la parole manque, dans l’impensable ou plutôt l’impensé. Voilà le réel enjeu pour qu’une vérité renaisse des cendres des mensonges d’une littérature dont les puissances rendent parfois l’être abominablement cruel et déliquescent.
A l’inverse, l’auteur ouvre à un imaginaire de la mutation et du réenchantement où l’éclat à la vie prend un registre particulier. Il met en tension le monde et ce qu’il procure comme sensations. Elles deviennent la condition fondamentale du langage poétique, très particulier. Les mots parfois se jouent d’eux-mêmes pour n’être pas de pauvres jouets mais sont magiques lorsqu’ils osent l’exaltation de la tendre indifférence du monde. La tâche du poète est d’en préserver les vibrations d’ouvertures au sein de textes qui rendent les plis vivants en tentant le plus possible d’exclure toute mentalisation qui deviendrait un filtre à l’émotion. Surgit, plus qu’un déploiement de l’imaginaire, la présence d’une intimité oubliée avec soi-même et le monde pour leur mutuel épanouissement.
jean-paul gavard-perret
Gwen Garnier Duguy, Danse sur le territoire, Éditions de l’Atlantique, Collection Phoïbos, Saintes, 2013, 13,00 €.