Voyageant dans la forêt des Ardennes et son Athanor, François Sureau nous perd dans un tel lieu. Au-delà du pittoresque, l’écrivain exalte une liberté intérieure que beaucoup (dont Baudelaire) cherchent dans la mer.
Mais ici, la forêt en devient le vecteur pour échapper au monde et afin de créer une fabrique de soi.
Le tout à partir de l’histoire de Cendrars perdu dans la détresse et la solitude et d’une femme (Elisabeth Prévost) aux yeux saphir, un rien androgyne et de trente ans sa cadette. Elle partage les mêmes sentiments de solitude que lui. Et Sureau écrit leur courte histoire en une biographie sans biographie comme il le fit déjà pour Apollinaire.
Il rentre de la sorte en dialogue mental en ce que Cendrars a fait de sa vie.
Ces deux voyageurs se retrouvent au moment où la jeune femme ignore encore son œuvre. Et celui qui fut toujours seul et raisonnablement désespéré découvre soudain, jusqu’à leur séparation en 1939, celle pour laquelle la solitude est source de gaieté.
Ils ont eu une influence bénéfique l’un sur l’autre par ce voyage en Ardennes. Presque immobile, il n’est plus désespéré pour Cendrars. Dans la forêt, il devient pour un temps “chartreux immobile” pour celle dont il marqua le cœur et grâce à laquelle l’écriture devint plus que jamais un “cœur battant” instrumental et de l’ordre du salut.
jean-paul gavard-perret
François Sureau, Un an dans la forêt, Gallimard, collection Blanche, novembre 2022, 96 p. — 12,50 €.