Héloïse Guyard, mobile et légère — entretien avec l’artiste (En dialogue avec Véronique Sablery)

Héloïse Guyard est une artiste dis­crète et, dit-elle, “abs­traite, minu­tieuse, enva­his­sante, per­sé­vé­rante, conscien­cieu­se­ment pénible et sen­sible.” Elle porte atten­tion aux petites choses en ayant soin de ne pas les abî­mer. Elle répète avec téna­cité le même motif “avec l’impression de n’avoir jamais ter­miné à force de refaire sans cesse la même forme”.
Mais c’est accor­der une sorte d’éternité au geste — même si ce qui compte reste l’oeuvre accom­plie. Tout part des motifs infi­nis issus de la nature aux  à réso­nances des­quels la créa­trice répond par celles qu’elle crée en écho dans une sobriété de moyens. Et ce, avec déli­ca­tesse face un monde où prime le spec­ta­cu­laire et auquel elle résiste.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Concrè­te­ment, pour les nour­rir et les emme­ner à l’école, mes enfants. Plus sérieu­se­ment, mes enfants, mon mari, l’atelier et mes pro­jets d’expositions, nos moments de lien avec les copains, les pro­jets de soi­rées concert à la mai­son, mon jar­din et les poules.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je crois qu’ils sont réa­li­sés. Ah non, pas tous, je ne suis pas tra­pé­ziste ni petit rat de l’Opéra.

A quoi avez-vous renoncé ?
À des moments, j’ai cru avoir renoncé à des choses, mais en fait, non.

D’où venez-vous ?
De Panama, d’Argentine, de Paris, de Normandie.

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
Le goût de lire, de dan­ser, d’aller au théâtre et au musée, les grandes réunions fami­liales et ami­cales fes­tives, et puis de plan­ter des arbres, ou plu­tôt être les mains dans la terre et essayer de faire pous­ser des trucs.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
J’en ai plein ! Mais celui qui me vient à l’esprit, faire une pause au soleil dans mon jar­din sur le banc en pierre à côté de la petite mare, en pleine conscience de tout ce qui m’entoure, le bruit de l’eau qui coule, des insectes qui butinent, les odeurs des plantes, la cha­leur du soleil.

Com­ment définiriez-vous votre poé­tique plas­tique ?
Abs­traite, dis­crète, minu­tieuse, enva­his­sante, per­sé­vé­rante, conscien­cieu­se­ment pénible et sensible.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
La pre­mière je ne sais pas, mais le sou­ve­nir de ma pre­mière grosse émo­tion devant des pein­tures était lors de l’exposition de Mark Rothko au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 1999. Et aussi au Musée d’Orsay, lors d’une sor­tie sco­laire, je suis  res­tée fas­ci­née par le pre­mier plan du Déjeu­ner sur l’herbe de Manet, le panier ren­versé et les fruits.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Un petit livre argen­tin pour enfant en forme de car­table, je ne me sou­viens plus de son titre.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Toutes ! J’ai une play­list extrê­me­ment éclectique.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Le Comte de Monte-Cristo” de Dumas, “Les Cerfs-volants” de Romain Gary, “Le Baron per­ché” d’Italo Cal­vino, “Moon Palace” de Paul Aus­ter, “L’usage du monde” de Nico­las Bou­vier, “Une chambre à soi” de Vir­gi­nia Woolf.

Quel film vous fait pleu­rer ?
C’est un peu ridi­cule, mais “Le Cercle des Poètes Dis­pa­rus”, vu ado, m’avait bou­le­ver­sée, il me fait encore pleu­rer. Mais je pleure sou­vent devant les films.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Héloïse.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Il n’y a per­sonne à qui j’aimerais écrire par­ti­cu­liè­re­ment sans avoir osé.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Les plages des Sables Rouis et de la Belle Mai­son à l’Île d’Yeu. Ça n’est pas vrai­ment mythique en soi, mais pour moi elles ont une impor­tance par­ti­cu­lière. Et sur cette même île, qui a fermé depuis des années, le Bar de la Marine !

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Les artistes avec qui j’ai exposé, avec qui mon tra­vail était en dia­logue. Et puis tous ceux qui ont nourri mon tra­vail ou qui me fas­cinent, Karl Bloss­feldt, Pier­rette Bloch, Henri Matisse, Kiki Smith, Anni Albers, Geor­gia O’Keefe, l’art abo­ri­gène, et encore beau­coup d’autres que j’oublie.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un appa­reil photo.

Que défendez-vous ?
La gentillesse.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” ?
Je ne la com­prends pas vraiment.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Cette phrase est plu­tôt enthousiasmante.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Aucune, c’est un exer­cice dif­fi­cile pour moi de répondre à des questions.

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 16 août 2022.

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