Les confessions de Richard Millet
Richard Millet pousse l’expérience littéraire à l’extrême et dans un paradoxe : “Ce que j’ai écrit ne vaut rien, du moins ne m’intéresse pas ; c’est continuer à écrire qui importe, jusque dans l’illusion ou dans l’échec.“
Il s’agit donc pour lui de tenter de se taire ou, comme il l’écrit, de “tenter de me taire et retrouver le silence initial de la forteresse” dans une “voix” de plus en plus basse mais non atone, dans un murmure fleuve où justement le silence prend une tournure particulière.
Aussi laconique qu’interminable, cette voix originale lâchée par les penseurs en cours a su rebondir en comprenant la vanité de toutes choses. Ce qui le pousse à une indifférence originale, une façon d’exister sans vraiment être en communion avec mouvement commun.
Il continue à vivre en écrivant même si, d’une certaine manière, ses livres sont tus donc tués dès leur parution.
Reprise plusieurs fois, cette confession reste l’ample récit des plus crépusculaires et profondément sincères par les accents de prose qui s’élève contre l’accablement selon une force qui soulève les mots. Ils font tenir encore le temps chez ce Pascalien qui trouve dans ses Pensées et autres opuscules de quoi lutter contre les négations et la chaos.
jean-paul gavard-perret
Richard Millet, La Forteresse. Autobiographie 1953–1973, Les Provinciales, 2022, 304 p. — 24,00 €.