Celle qui vient de nombreux renoncements : entretien avec Amélie Pironneau (La Peinture en France, 1968–2000. Les années de crise)

Celle qui vient de nom­breux renon­ce­ments sait chan­ger de direc­tion pour désor­mais les évi­ter. Libre dans sa tête et au moins une fois par mois dans son corps, le talent n’est pas sa moindre qua­lité. Pour preuve : elle l’affirme et cha­cun l’entérine. Elle fait faci­le­ment du corps un texte — mais la réci­proque lui va comme un gant de haute pas­se­men­te­rie. Le tout à l’égo est son pen­sum qui n’a rien de mots dits mais d’affirmations intem­pes­tives.
Ayant eu pour maître Phi­lippe Dagen, elle sait com­bien trompe un élé­phant qui laisse l’éthique pour l’esthé­tique ou ce que l’histrion prend pour telle. Forte en mari, cela ne l’empêche pas de nour­rir cer­tains fan­tasmes ciné­ma­to­gra­phiques. Seuls en effet les êtres numé­riques per­mettent de mari­vau­der en fes­ti­val de cannes  (agiles) sans crainte de mau­vaises odeurs et d’humeurs suspicieuses.

Dans ses tra­vaux et ses com­mis­sa­riats (ils n’ont rien de police), des figures — adultes aux têtes d’enfants, por­traits de mâles domi­nants — sont au besoin défi­gu­rés à coups de mar­teau sty­lis­tique et mises en scènes. Forte aussi en che­veux lâchés comme en des tresses, elle sait que dans l’imaginaire cela évoque la beauté fémi­nine, la parure, la dis­po­si­tion soit à l’amour absolu soit au réseau ten­ta­cu­laire des obli­ga­tions d’être femme.
Chez elle, de l’attachement à l’émancipation, tout est pos­sible. Preuve qu’une telle belle acti­viste sait pas­ser par les mul­tiples expé­riences de la fémi­nité pour être libre. Com­bat­tante, elle reste une créa­trice mul­ti­par­tites de garde mais tou­jours iro­nique. Dans ses diverses pres­ta­tions de cri­tique d’art, cura­tion, per­for­meuse, les aller-retours entre le réel et l’imaginaire, le conscient et l’inconscient deviennent des élé­ments de jonc­tion inavouables ou presque. Qui et que pourrions-nous attendre de mieux ?

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La nuit que j’ai passée.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
J’ai une fille.

A quoi avez-vous renoncé ?
A la deuxième.

D’où venez-vous ?
De nom­breux renoncements.

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
Du pognon.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Une fois par mois.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres cri­tiques et historien(ne)s d’art ?
Le talent.

Com­ment définiriez-vous votre approche de l’art ?
Dans le corps du texte.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Moi dans un miroir.

Et votre pre­mière lec­ture ?
“Oui oui fait du ski”.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Boom boom boom.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Les oeuvres com­plètes de Phi­lippe Dagen dans “La Pléiade”.

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Dumbo”.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Au père Noel.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Cannes.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Mon mari.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Jude Law.

Que défendez-vous ?
Que les causes gagnantes.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Trop roman­tique, l’amour est un mélange de mau­vaises odeurs et de mau­vaise humeur

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ? »
La société du spectacle.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
95–60-95.

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 9 mai 2022.

1 Comment

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One Response to Celle qui vient de nombreux renoncements : entretien avec Amélie Pironneau (La Peinture en France, 1968–2000. Les années de crise)

  1. Anne Marie Carreira

    Entre­tien assez drôle…
    Les réponses aux ques­tions sont courtes mais sympathiques..

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