Celle qui vient de nombreux renoncements sait changer de direction pour désormais les éviter. Libre dans sa tête et au moins une fois par mois dans son corps, le talent n’est pas sa moindre qualité. Pour preuve : elle l’affirme et chacun l’entérine. Elle fait facilement du corps un texte — mais la réciproque lui va comme un gant de haute passementerie. Le tout à l’égo est son pensum qui n’a rien de mots dits mais d’affirmations intempestives.
Ayant eu pour maître Philippe Dagen, elle sait combien trompe un éléphant qui laisse l’éthique pour l’esthétique ou ce que l’histrion prend pour telle. Forte en mari, cela ne l’empêche pas de nourrir certains fantasmes cinématographiques. Seuls en effet les êtres numériques permettent de marivauder en festival de cannes (agiles) sans crainte de mauvaises odeurs et d’humeurs suspicieuses.
Dans ses travaux et ses commissariats (ils n’ont rien de police), des figures — adultes aux têtes d’enfants, portraits de mâles dominants — sont au besoin défigurés à coups de marteau stylistique et mises en scènes. Forte aussi en cheveux lâchés comme en des tresses, elle sait que dans l’imaginaire cela évoque la beauté féminine, la parure, la disposition soit à l’amour absolu soit au réseau tentaculaire des obligations d’être femme.
Chez elle, de l’attachement à l’émancipation, tout est possible. Preuve qu’une telle belle activiste sait passer par les multiples expériences de la féminité pour être libre. Combattante, elle reste une créatrice multipartites de garde mais toujours ironique. Dans ses diverses prestations de critique d’art, curation, performeuse, les aller-retours entre le réel et l’imaginaire, le conscient et l’inconscient deviennent des éléments de jonction inavouables ou presque. Qui et que pourrions-nous attendre de mieux ?
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La nuit que j’ai passée.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
J’ai une fille.
A quoi avez-vous renoncé ?
A la deuxième.
D’où venez-vous ?
De nombreux renoncements.
Qu’avez-vous reçu en “héritage” ?
Du pognon.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Une fois par mois.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres critiques et historien(ne)s d’art ?
Le talent.
Comment définiriez-vous votre approche de l’art ?
Dans le corps du texte.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Moi dans un miroir.
Et votre première lecture ?
“Oui oui fait du ski”.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Boom boom boom.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Les oeuvres complètes de Philippe Dagen dans “La Pléiade”.
Quel film vous fait pleurer ?
“Dumbo”.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Au père Noel.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Cannes.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Mon mari.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Jude Law.
Que défendez-vous ?
Que les causes gagnantes.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Trop romantique, l’amour est un mélange de mauvaises odeurs et de mauvaise humeur
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ? »
La société du spectacle.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
95–60-95.
Entretien et présentation réalisés par par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 9 mai 2022.
Entretien assez drôle…
Les réponses aux questions sont courtes mais sympathiques..