Pierrette Bloch, Discours et circonstances

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Faite de matériaux pauvres (fusain et craie sur isorel par exemple) , de formes primitives, totalement abstraite et sans couleur (dessins, encres ou scupltures de crin), l’œuvre de Pierrette Bloch est d’une grande cohérence. Dès ses débuts, l’artiste a joué sur des variations imperceptibles de tonalité, de rythmes minimalistes au sein d’un travail sur l’espace et le temps. Tout se place donc sur le jour antinomique de la liberté et de la rigueur, de la surface et de la profondeur.
L’objectif de l’artiste reste constant : donner à voir le dessin le plus simple dans l’espace. Pierrette Bloch a par exemple tendu parfois une ligne à quelques centimètres du mur dans un écart. Celui-ci creuse l’intervalle entre deux parallèles selon une perspectives qu’une autre artiste – Véronique Sablery – a reprise et amplifiée. La tension horizontale reste le plus souvent la fondation de son travail. Toutefois la « ligne » tendue s’agrémente d’infimes arabesques, boules, mailles, nœuds.

Un tel linéament ne se prend pas pour ersatz ou leurre d’écriture. Il se veut avant tout un état minimaliste des lieux de la représentation. Si bien que Pierrette Bloch pourrait faire sienne la phrase de Beckett :   » Tout ce que j’ai pu savoir je l’ai montré. Ce n’est pas beaucoup mais ça me suffit et largement. Je dirais même que je me serais contenté de moins« . Elle cherche une forme paradoxale de perfection afin de proposer des images qui foudroient. L’artiste se situe en-deça ou au-delà des principes les plus habituels de l’Imaginaire afin de désimager l’image. Rien ne se révèle sinon un inconnu. Un inconnu à entendre au neutre. Il n’a donc strictement rien à voir avec un deus incognitus, avec la possibilité d’un Dieu même lointain.

Pierrette Bloch dans les textes qu’elle a réunis prouve qu’elle appartient à ces créateurs du déchirement. Elle  porte le vide au milieu des choses. On pourrait penser que, puisque l’image se s’efface, l’Imaginaire capote. Or il s’agit de sa réussite suprême. L’artiste tire du lieu où l’image s’efface un exhaussement comme si des profondeurs lointaines du je perdu, informulé, informulable naissait un monde primitif.  Ses textes ne l’expliquent pas mais l’approfondissent :  « j’ai cru trouvé un fil, j’ai trouvé des mémoires » écrit l’artiste. 
Ses textes riches en contradictions sont capables de suggérer l’incertitude de l’être au travail dans une immense nuit blanche où l’insomniaque rêveuse veille et contemple le désastre lié à la disparition de l’image jusqu’à ce point extrême de visibilité.

jean-paul gavard-perret

Pierrette Bloch, Discours et circonstances, Editions Méridianes, Montpellier, 160 p.-  15,00 €.

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