Yves Arauxo est un écrivain subtil qui transforme la vision de l’érotisme. L’obsession pour le féminin est patente mais elle devient surtout épatante, parfois drôle et souvent profonde. L’amour peut au besoin rester secondaire. Et bien des allusions et élisions président à la naissance du langage poétique en prose sous figure d’évocations et de descriptions.
Les fragments sont pleins de pépins phosphorescents et de surprises. Chacun d’eux devient un archipel mâté, un paysage lubrique mais juste ce qu’il faut. Les presque madones ne sont plus celles des hystéries mais des dérives. Les Pierrots d’amour en font leurs choux gras ou graciles. Ils sont prêts de manière littérale ou fantasmatique à explorer ces îles d’Elles.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Chaque nuit m’abandonne au réveil comme un naufragé sur une plage déserte. Je ne me lève pas, je me relève, avec aussi la curiosité d’explorer le nouveau rivage.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils ont grandi avec moi et sont devenus des rêves d’adulte.
À quoi avez-vous renoncé ?
À chercher une place dans la société.
D’où venez-vous ?
De Châtelet en Belgique.
Qu’avez-vous reçu en ‘’héritage’’ ?
L’amour (au risque de raviver le souvenir d’une chanson de Nana Mouskouri).
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Le plus agréable est pour le moment de sentir mon individualité disparaître dans une méditation.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
Une certaine forme de lucidité.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La « Femme au grand chapeau » de Modigliani.
Et votre première lecture ?
« La Métamorphose » de Kafka.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Parmi beaucoup d’autres, mais avec une passion particulière, Jimi Hendrix, John Coltrane et Morton Feldman.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Les « Aventures dans l’irréalité immédiate » de Max Blecher.
Quel film vous fait pleurer ?
La trilogie d’Apu de Satyajit Ray.
Quand vous vous regardez dans un miroir, qui voyez-vous ?
Tout dépend du moment et de l’éclairage : je vois parfois plein de gens, ou celui que j’étais et qui a vieilli, ou celui qui était déjà là avant que je n’arrive.
À qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À Monica Vitti.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Lisbonne, son port, le lieu du départ.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Aujourd’hui, parmi nos contemporains, Jean-Pierre Otte.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Ce que je désirais le plus sans le savoir.
Que défendez-vous ?
Le non-conformisme, la perte de contrôle, le manque de rentabilité, la poésie.
Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’amour, c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
La lourdeur des psychologues.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? » Rien du tout. Au mieux, je souris.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
« Que ferais-je sans ce monde sans visage sans questions ? » (S. B.)
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 28 février 2022.