Kafka a cessé a priori de dessiner — surtout des études — en 1914 pour passer à l’écriture de La Métamorphose, L’Amérique et ses premiers contes.
Il ne cherchait pas à devenir un grand artiste même si Max Brod l’a poussé dans ce sens jusqu’à tenter d’imposer les dessins de Kafka pour l’édition de ses livres.
Mais l’auteur lui même n’y était pas favorable. Par exemple, le cauchemar de La métamorphose devait s’inscrire non en images mais par et dans ses écrits.
Seule l’investigation de l’écriture pouvait le faire jaillir et l’éprouver.
Le dessin ne pourrait que “décorer” et l’auteur d’écrire à son éditeur : “Pas ça. L’insecte ne peut pas être dessiné. Je vous serai gré de poursuivre ma requête”. Toute image obligerait donc à un obscur qui en cacherait l’obscur plus essentiel.
Il s’agissait donc de limiter l’importance de toute illustration qui oblitèrerait son imaginaire.
De l’auteur nous restent néanmoins quelques fragments enfin publiés grâce à l’ouverture des Archives Kafka en Israël. Le terme “kafkaïen” leur va. Jusque dans ceux griffonnés sur ses lettres elles aussi restées inédites. La confiance de Kafka envers le dessin est limitée mais il chercha des images qui s’emparent du regard pour prendre possession de la pensée.
Il s’agit là encore de métamorphoses dans le purisme et le minimalisme d’esquisses sommaires inquiétantes et grotesques, voire d’ un processus d’abstraction.
Cette édition montre la relation qui existe entre ses grands textes et de telles paperolles “anorexiques” de 200 dessins.
Ils sont créés en totale concentration pour faire apparaître des figures suspendues qui espéraient “toucher le sol” au milieu du blanc où celui-là disparaît.
jean-paul gavard-perret
Kafka, Les Dessins, Les Cahiers Dessinés, Paris et Lausanne, 2021, 336 p. — 35,00 €.