Un hymne aux libraires et à la lecture !
Adrien Darcy, cycliste de haut niveau, reprend du service à La Montagne après un grave accident. Charles, le rédacteur en chef, veut lui confier un reportage où il devra faire travailler ses méninges car il n’y a pas que le sport dans la vie. Trois libraires ont été assassinés, le 20 de chaque mois, depuis août. Adrien est très réticent car il pensait rester dans le reportage sportif. Face à la détermination de Charles, il finit par accepter en traînant les pieds, comprenant qu’il n’aura pas d’autre travail.
Il prend la route pour Chamalières où Christian Courcial a été renversé mortellement par un chauffard, il y a quelques jours. Il rencontre Elisabeth, la sœur de la victime qui reprend la suite dans la librairie. Celle-ci lui apprend que son frère avait adhéré à l’association Le Cercle des derniers libraires dont l’objet est la défense de cette profession bien menacée. C’est Emma Pélissier, propriétaire des Livres penseurs à Saint-Flour, qui en est l’initiatrice.
La première rencontre se passe mal car il ne lit que la presse sportive et n’a pas mis les pieds dans une librairie depuis quinze ans. Cependant, des éléments l’interpellent comme le fait que les trois victimes adhèrent à cette association, que les meurtres aient lieu le 20 du mois et l’ordre alphabétique des communes où ont eu lieu les crimes : Aurillac, Brioude, Chamalières !
Alors, dans quelques jours, qui sera la prochaine victime sachant qu’il n’y a pas de de commune commençant par D dans le Cercle ?
Ce roman fait la part belle au monde du livre, particulièrement au dernier maillon avant le lecteur. La romancière s’amuse, pour le mettre en scène, à donner à l’un des principaux personnages, le comportement d’un mauvais lecteur qui découvre un univers. Elle mêle cette approche avec une intrigue délectable, fouillée, comme elle a l’habitude de les proposer.
Multipliant les pistes, les indices, les coupables potentiels, elle anime nombre de péripéties plus ou moins dramatiques. Mais elle nourrit son histoire de mille détails tous plus piquants les uns que les autres avec des remarques judicieuses, des réflexions marquées au coin du bon sens et un humour fort plaisant. C’est ainsi que les patronymes de son couple de héros ne doivent rien au hasard et font l’objet d’échanges cocasses. Elle se mue en guide touristique pour décrire la richesse du patrimoine historique, architectural et naturel de l’Auvergne, sa région de prédilection.
Elle parsème son livre de moult citations et références tant littéraires que populaires et agrémente son récit d’une belle intrigue sentimentale. Avec sa galerie de protagonistes, elle propose une belle collection de caractères plus ou moins sociaux, n’évite pas les maltraitances faites aux femmes. Elle décrit, avec soin, le travail d’un libraire, d’un véritable libraire et non pas un simple vendeur. Mais alors qu’elle dresse, dans Le parapluie de discorde (J’ai Lu n° 13 307 — 2021), un panégyrique des parapluies fabriqués dans le Cantal, pourquoi cette description “… un de ces grands parapluies auvergnats lourd et encombrant.” ?
Les éditions J’Ai Lu proposent une réédition de ce beau roman, avec une présentation soignée, dans la collection Les collectors de Noël. Avec son intrigue astucieusement démoniaque, son couple de héros attachant, Le Cercle des derniers libraires séduira les amateurs de livres, de lecture passionnante, et apportera à ceux qui sont peu versés dans cette belle activité des arguments pour qu’ils consacrent plus de temps à ce domaine.
serge perraud
Sylvie Baron, Le Cercle des derniers libraires, J’Ai Lu, coll. “Littérature française” n° 13013, novembre 2021, 352 p. – 8,90 €.