Sylvie Baron, Le parapluie de la discorde

Quelles femmes !

Dans cette his­toire, on retrouve Joséfa Casa­rès, l’héroïne de nombre des romans de l’auteur. C’est une femme forte, dans tous les sens du terme, qui vit au cœur du Can­tal.
Avec ce roman, l’auteure sou­haite en effet saluer et rendre un hom­mage à une indus­trie par­ti­cu­lière de cette région , la fabri­ca­tion de para­pluies, aux entre­prises qui ont concouru à la célé­brité d’Aurillac.

Elle met en scène une famille aux carac­tères façon­nés par une femme, une mère auto­ri­taire, dic­ta­to­riale, atti­tude qui lui vaut le sur­nom de La Bra­made en réfé­rence au brame toni­truant des cerfs. C’est la rigueur, le déni de l’amour tant filial que mater­nel, tant phy­sique que pas­sion­nel.
C’est le contrôle des émo­tions dans le seul but de la réus­site pro­fes­sion­nelle, la place de l’entreprise. “À force d’être sou­mis, bri­més, mani­pu­lés, ils en avaient perdu le goût de l’humain.

Nina, sa nièce, est venue se réfu­gier chez elle avec ses jumeaux de quatre ans. Le géni­teur, Jacky, un homme ayant quinze ans de plus qu’elle, a tou­jours refusé d’en recon­naître la pater­nité. Mais, il y a six mois, il est arrivé chez Nina, hagard, lui révé­lant des choses ter­ribles, lui jurant être inno­cent, vic­time d’une machi­na­tion. Il était le prin­ci­pal sus­pect dans la mort d’Hélène Vita­relle, une magnat de l’industrie du para­pluie, une femme d’affaires excep­tion­nelle. Elle était sa belle-mère, son employeur… et sa maî­tresse. Il se pend en pri­son pen­dant sa déten­tion pro­vi­soire. Cet acte le désigne comme cou­pable.
Nina, bien que convain­cue du contraire, est ron­gée par le doute. Le père de ses enfants est-il un assas­sin ? Joséfa décide de l’aider et se fait embau­cher par la famille pour être sur place et mener son enquête. Elle use, pour cela, de liens pri­vi­lé­giés avec une proche d’eux. Mais ce qu’elle va découvrir…

Le récit passe d’un per­son­nage à un autre, fai­sant pour cha­cun l’état des inter­ac­tions avec le reste des pro­ta­go­nistes. C’est la décou­verte des sen­ti­ments qui les animent, des moti­va­tions qui les guident, qui les poussent à des déci­sions si tran­chées dont le seul but reste la prise du pou­voir, l’exercice de celui-ci sur les choses, sur les gens, sur les évé­ne­ments. Le besoin de richesse va de pair.
La des­crip­tion des aspects tech­niques, de la fabri­ca­tion des para­pluies est don­née sans trop entrer dans les détails pure­ment tech­no­lo­giques, évo­quant plus le fonc­tion­ne­ment d’une entre­prise, les rap­ports à la concur­rence, le besoin per­ma­nent d’innovation.

Joséfa se révèle une héroïne par­ti­cu­liè­re­ment atta­chante pour son carac­tère entier, son huma­nisme, sa soif de vivre, son goût pour la nature, son atta­che­ment à une vie simple dans une belle zone rurale. Avec elle, la roman­cière porte un regard aigu sur nombre de domaines qui relèvent de la vie quo­ti­dienne. Elle évoque, par exemple, les rap­ports qui doivent exis­ter entre employés et employeurs, cette ten­dance à sur­boo­ker les emplois de temps des enfants, les pri­vant de toute liberté pour ima­gi­ner des jeux.
Elle décrit avec pas­sion le décor où se déroule l’intrigue, le tra­vail de la terre, le plai­sir du jar­din, de contem­pler la nature. Elle excelle à construire des per­son­nages com­plets, à en détailler les com­po­santes tant psy­chiques que phy­siques. Et, bien sûr, quelques volets sen­ti­men­taux pimentent le récit.

Sylvie Baron rend un bel hom­mage à Conan Doyle, à ce maître d’énigmes, avec une intrigue retorse à sou­hait, mise en scène avec brio, démon­tée avec autant de maes­tria par une héroïne si perspicace.

serge per­raud

Syl­vie Baron, Le para­pluie de la dis­corde, J’Ai lu n° 13 307, sep­tembre 2021, 384 p.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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