Les textes qui forment le cahier Expérience ont été conçus pour la publication virtuelle sur la Toile. Ils sont donc un exercice de la vélocité, au présent. Cela n’enlève en rien le travail de reconstruction du livret depuis le manuscrit, réservé exclusivement au Web. J’ai pensé que cette aventure littéraire en ligne se rapprocherait peut-être de l’écriture de Pacific 231, sorte de calque de la musique savante sur un objet de la modernité, ici dans le sens inverse, créée pour, vers une technologie comme support.
Je travaille donc au fur et à mesure pour livrer ces textes, qui sont des points de vue parfois abstraits sur ma connaissance du monde.
Être ce que nul ne veut être,
- Ô, devenir de glace ! —
Sans savoir ce qui fut
Ni ce qui sera
Marina Tsvétaïéva
Impression de grâce au milieu même d’une anecdote, immutabilité de la science de la pensée, analyse des phénomènes qui, semblant subjectifs, sont davantage objectifs car organisant la vie de l’individu.
C’est un simple mouvement dans le temps.
Ce détail : mon image dans un miroir. Que voir sinon la banalité d’un visage. Mais le miroir lui-même est signifiant.
Images d’un miroir argenté, plein de mouchetures, miroir de salle de bain et sa lumière zénithale, miroir en mandorle de la psyché. Ce sont des espaces objectifs.
Ainsi le crépitement intérieur est un fait métaphysique, et ici, matériellement ressenti. Car si j’écoute ma pensée, je la sais réelle, matérielle, humaine.
Donc son objectivité ne fait pas de doute.
Cette minute elle aussi vaque parmi les abstractions.
Néanmoins, elle produit de la durée, sorte de sucre fondant, cycles courts ou longs, le temps s’abolit comme matière.
L’ordinaire d’une journée. Le matin, la promenade dans les bois, l’après-midi, le bol de thé, écrire, réécrire, dactylographier, pour au soir, lire plusieurs heures. Je ne suis témoin que de la force inconnue qui domine le passage des heures.
On sait que le passé est gravé pour toujours et que l’on peut ralentir le futur. Quid du présent et de sa vague présence au sein d’un extraordinaire néant ?
Être oblige à renoncer, à choisir, à gâter, à perdre.
Ravissement. Instants arc-boutés. Le corps et l’esprit.
Toute cette confusion. Seule capable de définir le réel.
Peut-être est-ce pour moi une façon d’enfouissement, m’enfouir dans la page, me tenir derrière le texte, m’offrir à moi-même la réalité de ce que je suis.
C’est-à-dire un être sans être. Une fiction.
Un personnage qui n’existe pas.
didier ayres
Génial.