Didier Ayres, Cahier Expérience, 10

Les textes qui forment le cahier Expé­rience ont été conçus pour la publi­ca­tion vir­tuelle sur la Toile. Ils sont donc un exer­cice de la vélo­cité, au pré­sent. Cela n’enlève en rien le tra­vail de recons­truc­tion du livret depuis le manus­crit, réservé exclu­si­ve­ment au Web. J’ai pensé que cette aven­ture litté­raire en ligne se rap­pro­che­rait peut-être de l’écriture de Paci­fic 231, sorte de calque de la musique savante sur un objet de la moder­nité, ici dans le sens inverse, créée pour, vers une tech­no­lo­gie comme sup­port.
Je tra­vaille donc au fur et à mesure pour livrer ces textes, qui sont des points de vue par­fois abs­traits sur ma connais­sance du monde.

Être ce que nul ne veut être,

- Ô, deve­nir de glace ! —

Sans savoir ce qui fut

Ni ce qui sera

Marina Tsvé­taïéva

Impres­sion de grâce au milieu même d’une anec­dote, immu­ta­bi­lité de la science de la pen­sée, ana­lyse des phé­no­mènes qui, sem­blant sub­jec­tifs, sont davan­tage objec­tifs car orga­ni­sant la vie de l’individu.
C’est un simple mou­ve­ment dans le temps.

Ce détail : mon image dans un miroir. Que voir sinon la bana­lité d’un visage. Mais le miroir lui-même est signi­fiant.
Images d’un miroir argenté, plein de mou­che­tures, miroir de salle de bain et sa lumière zéni­thale, miroir en man­dorle de la psy­ché. Ce sont des espaces objectifs.

Ainsi le cré­pi­te­ment inté­rieur est un fait méta­phy­sique, et ici, maté­riel­le­ment res­senti. Car si j’écoute ma pen­sée, je la sais réelle, maté­rielle, humaine.
Donc son objec­ti­vité ne fait pas de doute.

Cette minute elle aussi vaque parmi les abs­trac­tions.
Néan­moins, elle pro­duit de la durée, sorte de sucre fon­dant, cycles courts ou longs, le temps s’abolit comme matière.

L’ordi­naire d’une jour­née. Le matin, la pro­me­nade dans les bois, l’après-midi, le bol de thé, écrire, réécrire, dac­ty­lo­gra­phier, pour au soir, lire plu­sieurs heures. Je ne suis témoin que de la force incon­nue qui domine le pas­sage des heures.
On sait que le passé est gravé pour tou­jours et que l’on peut ralen­tir le futur. Quid du pré­sent et de sa vague pré­sence au sein d’un extra­or­di­naire néant ?

Être oblige à renon­cer, à choi­sir, à gâter, à perdre.

Ravis­se­ment. Ins­tants arc-boutés. Le corps et l’esprit.
Toute cette confu­sion. Seule capable de défi­nir le réel.

Peut-être est-ce pour moi une façon d’enfouissement, m’enfouir dans la page, me tenir der­rière le texte, m’offrir à moi-même la réa­lité de ce que je suis.
C’est-à-dire un être sans être. Une fiction.

Un per­son­nage qui n’existe pas.

didier ayres

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