Didier Ayres, Cahier Expérience, 5

Les textes qui forment le cahier Expé­rience ont été conçus pour la publi­ca­tion vir­tuelle sur la Toile. Ils sont donc un exer­cice de la vélo­cité, au pré­sent. Cela n’enlève en rien le tra­vail de recons­truc­tion du livret depuis le manus­crit, réservé exclu­si­ve­ment au Web. J’ai pensé que cette aven­ture lit­té­raire en ligne se rap­pro­che­rait peut-être de l’écriture de Paci­fic 231, sorte de calque de la musique savante sur un objet de la moder­nité, ici dans le sens inverse, créée pour, vers une tech­no­lo­gie comme sup­port.
Je tra­vaille donc au fur et à mesure pour livrer ces textes, qui sont des points de vue par­fois abs­traits sur ma connais­sance du monde.

 

De nou­veau nous sommes les pre­miers jours de l’humanité !

V. Khleb­ni­kov

 

Parfois j’ai accès à une puis­sance en moi, force qui me vient des confins du déses­poir. Je ne veux pas dire que je suis dépres­sif ou sim­ple­ment d’humeur atra­bi­leuse. Non, c’est une connexion. Quelque chose de fas­ci­nant et un peu mor­bide. Avec ce goût de la mort qui est une saveur immortelle.

Est-ce une bles­sure ? En tout cas, je la porte depuis mes 17 ans, dès les pre­miers jours d’Égypte, et encore davan­tage à Kou­rou. Dès que je m’approche, déjà c’est le déses­poir, cha­grin, afflic­tion, dou­leur. Et ce n’est pas le sou­ve­nir qui est détresse, car la remé­mo­ra­tion est neutre.

Cette image mor­bide de moi-même me pour­suit. Comme en pro­fon­deur. Ou sinon, en sus­pens au-dessus du gouffre. Je ne vais pas d’une dou­leur immense à l’autre. Je reste pris dans le rayon­ne­ment de ma foi, de mon espé­rance en une amé­lio­ra­tion, comme si je pou­vais être meilleur, agrandi, développé.

Tout le monde connaît Euse­bius et Flo­res­tan. Et il est dif­fi­cile d’inventer main­te­nant deux figures : l’une pour la part mon­tante de l’être, et l’autre pour ce qui des­cend, et ce qui par­fois per­met de créer.
Faire une excavation.

Souf­frir ne me fait pas peur. Non que je cherche la mort – elle est suf­fi­sam­ment pré­sente pour l’oublier.
Mais une émi­nence, une hau­teur. Un monde froid et un monde coruscant.

Le même espace, devant l’être, qui se fige.

La parole affran­chit de l’abîme, car elle habite, elle réside dans l’être.

De cette impé­tuo­sité, de cette ardeur, je retiens la tris­tesse, la belle tris­tesse, celle qui pré­cède et suit l’action de vivre, car vivre c’est enta­mer un décompte, un drôle de cal­cul qui pro­cède par néga­tion, par perte.

Une « élé­va­tion sombre » serait juste comme for­mule. Car la réa­lité de ce moment de l’âme dit l’incidence phy­sique de l’absence, de ce qui s’efface. Expli­ca­tion que je me des­tine. Impres­sion vio­lente. Tris­tesse et extase. Extase de la tris­tesse.
Tout cela pour brû­ler davan­tage, consom­mer le car­net de ces expé­riences. 

didier ayres

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