Didier Ayres, Cahier Expérience, 3

Les textes qui forment le cahier ont été conçus pour la publi­ca­tion vir­tuelle sur la Toile. Ils sont donc un exer­cice de la vélo­cité, au pré­sent. Cela n’enlève en rien le tra­vail de recons­truc­tion du livret depuis le manus­crit, réservé exclu­si­ve­ment au Web. J’ai pensé que cette aven­ture lit­té­raire en ligne se rap­pro­che­rait peut-être de l’écriture de Paci­fic 231, sorte de calque de la musique savante sur un objet de la moder­nité, ici dans le sens inverse, créée pour, vers une tech­no­lo­gie comme sup­port.
Je tra­vaille donc au fur et à mesure pour livrer ces textes, qui sont des points de vue par­fois abs­traits sur ma connais­sance du monde.

L’horloge en sif­flant a battu douze fois

Dans la salle voi­sine sombre et vide

Ivan A. Bounine

 

Ne sais m’instruire du rêve. Ne sais cir­con­ve­nir les signes. Demeure tou­jours dans le mys­tère. Au sein de la nuit.
Rêve sans savoir inter­pré­ter. Rêve un destin.

Quelle est la vérité du temps du som­meil ? Doit-on le consi­dé­rer comme une cou­pure, une incise dans le conti­nuum des temps ? En tout cas, cela détache le monde de sa fixité, de son carac­tère lithique pour le pro­je­ter dans une com­bi­nai­son aqueuse, comme si le rêve cou­lait, pou­vait liqué­fier la pré­sence, défaire tem­po­rai­re­ment l’étreinte du temps.
Du reste, je pour­suis tou­jours et détruis le rêve puisque, soit je me sou­viens peu de ce que mon rêve m’instruisait, soit rien ne cor­res­pond à quelque chose de vrai, de tan­gible et donc appar­te­nant au régime du récit, de la fiction.

Toujours est-il que la valeur de mon exis­tence, cal­quant la vie phy­sique sur la vie psy­chique, invite à se por­ter vers une ascen­sion, une gra­vi­ta­tion, image par­faite de l’action d‘écrire.
Cela ne se réa­lise, ne se peut que par le pré­sent, la fusion des cycles, la join­ture, la soudure.

De ce fait la rela­tion spi­ri­tuelle, celle qui se forme dans le bizarre échange entre par­tie dure et par­tie vide de la pen­sée, se plie posi­ti­ve­ment sur l’être humain, entre la dureté du corps et l’eau mys­tique de la conten­tion inté­rieure, monde souple, duc­tile. Par exemple, com­ment expli­quer ce que contient la parole, sorte de mur­mure de la prière, mar­mon­ne­ment des mou­lins à prière, pour deve­nir parole sacrée, parole de lumière, empor­te­ment ?
Est-ce cela que rêver ? N’est-ce pas plu­tôt s’agrandir, reprendre souffle dans la divinité ?

Ce qui me fait mal, voyant les temps fuir tou­jours, c’est cette pro­fonde indi­vi­dua­lité dont est munie la créa­ture, laquelle rêve, pense, prie, aug­mente le monde à chaque ins­tant, mais ne connaît aucune vérité entière, ne sait rien tout en sachant beau­coup, réflé­chis­sant dans l’angoisse de ce que je ne connais pas, tou­jours par­tagé entre cer­ti­tude et doute.
Le monde, mon monde comme une barque, une cha­loupe incar­nate qui tra­verse la rivière, celle de la vie humaine.

Je ne sais que rap­por­ter de ce voyage en moi de la vacuité, de la soli­tude immense qui est néces­saire à mon des­sein.
Et toute allé­go­rie incor­po­relle, toute parole dite dans la flamme, toute ten­sion, toute ten­ta­tive vers ailleurs ne résument rien sinon qu’il faut pour­suivre le che­min, ne pas quit­ter la route.

Lien, com­bus­tion.                     

didier ayres                                                   

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