Je suis le vent (Jon Fosse)

Le vent ter­rible de l’absence  

Les deux comé­diens dis­cutent avec le public, inter­pellent les spec­ta­teurs entre deux gor­gées de bière ou d’eau miné­rale. On plai­sante sur le fait que, le spec­tacle étant trop court, il a été recom­mandé aux acteurs de meu­bler un peu avant ; déli­bé­ré­ment est ins­tal­lée une petite gêne, comme s’ils se deman­daient le rôle qu’ils allaient jouer.
C’est l’histoire d’un évé­ne­ment radi­cal : une absence, une nouée, une rup­ture, qui incon­gru­ment vient se dire. L’Un se dit insuf­fi­sant à soi, aba­sourdi par les autres, par leur être et leurs nuits. Le dia­logue se pour­suit sans assises ; le lan­gage est inter­rogé ; les mots sont mon­trés, comme sus­pen­dus. Il en est comme si on essayait de par­ler de l’autre bord.

On assiste à un moment de plai­sir, vite passé ; la tran­quillité sourde d’une absence d’inquiétude, qui dis­pa­raît comme elle est venue. Juste après, on revient sur le lan­gage, la situa­tion, les actes, l’absence d’événements. L’Un et l’Autre se dif­fé­ren­cient de plus en plus. Le pro­pos, les répliques, le jeu des acteurs, tout semble s’arrêter en permanence.

On se place dans la sus­pen­sion du temps ; se dis­tendent les liens, comme si tous les actes étaient en décom­po­si­tion ver­bale. Toute pro­po­si­tion se trouve bien­tôt sapée par une inter­ro­ga­tion pré­ju­di­cielle.
Le drame auquel on assiste est pré­senté sous l’aspect d’une comé­die. Le rire devient une voie d’accès au pire.

Les TGStan adoptent volon­tiers la pos­ture du clown, qui exté­rio­rise ses déter­mi­na­tions intimes. Sans véri­ta­ble­ment for­cer leur talent, les deux com­pères nous placent dans l’espace de l’indéterminé propre à mani­fes­ter les choses sous l’angle d’une sus­pi­cion diri­mante.
On se situe dans la ter­rible néces­sité du déri­soire, dans la fatale visi­bi­lité de l’insensible.

chris­tophe giolito


Je suis le vent

de Jon Fosse

TG Stan / Discordia

Avec Damiaan De Schri­j­ver et Mat­thias de Koning

Texte de Jon Fosse ‘Eg er vin­den’ : tra­duc­tion Maaike Van Rijn, Damiaan De Schri­j­ver, Mat­thias de Koning, tra­duc­tion en fran­çais Terje Sinding.

Régie tech­nique Tim Wou­ters ; cos­tumes Eli­sa­beth Michiels ; images Damiaan De Schrijver.

Au Théâtre de la Bas­tille, 76 rue de la Roquette 75011 Paris, 01 43 57 42 14

https://www.theatre-bastille.com/saison-20–21/les-spectacles/je-suis-le-vent#:~:text=Th%C3%A9%C3%A2tre%20de%20la,57%2042%2014

Du 4 au 26 juin 2021, à19h, relâche dimanche et lundi, spec­tacle en fla­mand sur­ti­tré en fran­çais, 1h

Pro­duc­tion tg STAN et Maat­schap­pij Dis­cor­dia Remer­cie­ments à de KOE et Annette Kouwenhoven

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