Soupe campagnarde et littéraire
Le titre fait évidemment penser à Rabelais. Non sans raison même si toutefois il y aurait là et a priori une confusion. En occitan, le “rabalaïre” est celui qui, allant où bon lui semble, s’invite facilement chez les autres.
C’est le cas du héros autant au chômage que pédaleur impénitent et qui cultive une passion pour ses semblables.
Entre Clermont-Ferrand et l’Aveyron, le héros de ce “road novel” d’un genre hexagonal va à la rencontre de bien des aventures.
Il est amoureux de Robert qui trône chez ses vieux parents, rencontre un vieux berger distillateur d’eau de vie aux pouvoirs surpuissants, un curé chamanique, qui lui enseigne des visites aux pays des morts, une jeune prostituée, un Collectif d’action citoyenne, des terroristes islamistes, une veuve généreuse à tous les sens de terme et propriétaire de bar.
Les pérégrinations vont bon train et au besoin le cycliste — comme les professionnels d’un tel sport — fait usage d’adjuvants qui l’entraînent dans des situations imprévues. Dès lors, ce roman devient autant picaresque que mélo sentimental. C’est aussi une fiction de terroir avec substrat politique et policier. Le tout frise le fantastique et la drôlerie parfois cruelle.
Si bien que le clin d’oeil à Rabelais n’est pas superfétatoire. Divers croyances et traditions (débridées charnellement ou mystiques) se mêlent dans cette soupe campagnarde et littéraire jusqu’au débordement dans une langue débridée et jouissive qui sauve le héros du naufrage auquel il était promis. Un tel ange délinquant souffle sur bien des braises.
jean-paul gavard-perret
Alain Guiraudie, Rabalaïre, P.O.L Editions, Paris, août 2021, 1040 p. — 29,90 €.