vincent Van Gogh, Oliviers avec ciel jaune et soleil, 1889.
Le Cahier est issu d’un moment d’écriture qui a pour support un cahier Conquérant de 90 pages à petits carreaux; il est manuscrit jusqu’au moment où je l’écris de nouveau , cette fois-ci sous la forme d’un texte.
J’y prône la possibilité donnée à l’écrivain de, tout en parlant de lui, tenir un discours pour autrui.
J’aime la forme “je”, qui a des principes d’identification auxquels je prête foi.
Fragment XVII ou Chaque jour
Chaque jour je m’approche et je m’éloigne, devenant plus étroit, lentement. Où s’opère en moi cette restriction ? Cette épure ?
Le jour est une image.
Écoulement sans fluidité ni progression des eaux du ruisseau par exemple : le jour est une donnée entière, compacte, dressé en moi comme une pierre mystique. Qui ne va mais œuvre.
La journée se renouvelle subrepticement. Sans volonté ni devoir. Sans perspective.
Sans but sinon de renouveler des cycles annuels, décennaux, quotidiens, des horaires.
Un moment de conversion qui attrape les bois, le ciel, la rivière, le tertre humide de la colline qui se découvre au bout de la ruelle.
Une forme naturelle de l’oubli, de la vanité de nos croyances, le temps de la journée revenant quoi qu’il en soit de la vie ou de la mort.
Aucune rémission, aucun écueil où passent les ondes depuis la fenêtre. Car il n’y a aucun moyen d’arrêter, de stopper cette divagation régulière et sans fin.
De l’aube au crépuscule du soir réside l’énigme.
Parfois très courte, parfois très longue, la durée signifie les étapes de sa progression. Mais pas la progression elle-même.
Heure par heure, nuit par nuit, cycle lunaire après cycle solaire, où tout se différencie quand en même temps l’on échappe toujours à la saisir dans son ensemble, dans sa signification.
Rien, néant. Cela n’est rien. À proprement parler cela s’anéantit et nous anéantit.
Bien plus, il se manifeste sans aucun moyen de le contrer. Il imprime même notre visage, notre chair.
Aujourd’hui est une lutte. Surtout en ce qui concerne le travail, le labeur matériel de l’écriture.
Pour mon compte, je visionne toujours le temps passé à travailler — à écrire surtout.
Didier Ayres