En un puzzle épique et théâtral, Jugnon propose une nouvelle version de “papa, maman, la bonne et moi”.
Mais Robert Lamoureux cède la place ici à Jarry et au Ionesco de La Cantatrice Chauve.
En une suite de scénettes autant obscènes par les mots que les situations, la famille est réduite à ses miasmes.
Le tout sous l’effet comique et l’égide d’un bafoué qui, au lieu de régler ses comptes (“Ô pédérastes incompréhensibles / ce n’est pas moi qui lancerai des injures / à votre grande dégradation”), s’évertue à sortir de l’impasse du carcan familial.
L’indécence et la farce sont les obligées de ce jeu à quatre, avant qu’un visiteur en casquette noire vienne jouer l’ange pasolinien et exterminateur.
De séquences en séquences, la farce permet de mettre à nu la situation tragique d’un enfant en perte de père et de repère à côté d’une mère qui lui prépare un “sandwiche gronichon” tandis que la bonne récure ce qu’il y a à récurer dans la graisse d’un mari infidèle.
Dit honnête, il qui prend son monde pour des marionnettes.
Ici, le monde est aussi délinquant que déliquescent. Preuve que Jugnon renoue avec une belle tradition de la parodie et du défi comique dans une débandade éruptive.
Elle permet d’éructer des vérités pas toujours faciles à dire mais qui donnent tout son poids à un tel propos.
jean-paul gavard-perret
Alain Jugnon, En ordre de bataille, éditions Douro, avril 2021, 126 p. — 15,00 €.